CHAPITRE
9 : Les onze Gardiens
Un jour, en début d'après-midi, alors que Misugi
et Amara s'entraînaient dans la salle de magie, le jeune
homme lui proposa de le suivre jusqu'à la bibliothèque.
Elle accepta et se laissa guider le long des jardins jusqu'à
un grand bâtiment de forme circulaire. Ils entrèrent.
A l'intérieur le sol était couvert d'épais
tapis rouges ; des fauteuils et coussins moelleux étaient
répartis de part et d'autres de la petite pièce.
De grosses lampes à huile étaient suspendues aux
murs, éclairant la salle de lecture d'une douce lumière
tamisée.
Misugi
ferma la porte derrière eux et se dirigea vers le fond
de la salle, un grand et épais rideau de couleur bordeaux
séparait la bibliothèque de la salle de lecture,
il l'ouvrit et les deux jeunes gens entrèrent. Là,
de grandes tables entourées de chaises étaient disposées
dans la salle dont les murs étaient en fait d'immenses
étagères remplies de livres et de parchemins. Misugi
se dirigea tout de suite vers la droite, ou une fine barrière
de corde délimitait un petit espace des autres. Il murmura
:
- C'est ici que sont rangés les ouvrages en rapport direct
avec l'Ordre du Dragon des Flammes.
Misugi
choisit un livre fin parmi ceux entreposés sur l'étagère,
et les jeunes gens retournèrent dans la chaleureuse salle
de lecture. Un livre traînait par terre, Amara ne le vit
pas et trébucha dessus. Elle s'affala sur un long canapé
recouvert de velours rouge, entraînant dans sa chute son
ami qui la tenait par la taille. Misugi se retint pour ne pas
l'écraser mais resta tout contre elle. Il se pencha et
déposa de petits baisers sur les lèvres d'Amara
qui le regardait tendrement. Délaissant le livre un instant,
ils s'embrassèrent longuement. La jeune fille passa ses
bras autour du cou de son ami, ne quittant plus ses lèvres.
Il
mit doucement fin à leur étreinte, se redressant
sur le canapé quelques minutes plus tard. Il attira son
amie contre lui et l'embrassa à nouveau, doucement. Puis
le jeune homme ramassa le livre tombé à terre et
le posa sur les genoux d'Amara.
- Il y a quelque chose qu'il faut que tu apprennes si tu veux
savoir te défendre face aux ennemis, dans le futur. Car
les démons savent contrer la magie dite " pure "
c'est-à-dire la magie que tu invoques sans aucune forme.
- Il y a plusieurs façons d'utiliser la magie du feu ?
- Oui, je vais t'expliquer, tu vas mieux comprendre.
Le jeune homme ouvrit le livre, les illustrations à l'intérieur
étaient magnifiques. Il était écrit sur la
page de garde : Les Gardiens Elémentaires.
- Des Gardiens ? Ce sont des
Dieux ?
- Oui, en quelque sorte. La mythologie Dofusienne dit que sans
nos Gardiens il n'y aurait que de la magie pure. C'est-à-dire
que l'on ne pourrait contrôler nos pouvoirs. Toi et moi,
ainsi que les fées et les créateurs de boucliers
ne pourraient faire qu'envoyer la magie sur l'ennemi. Alors qu'il
existe plusieurs manières de l'utiliser. Les fées
soignent, les créateurs de bouclier
créent
des boucliers.
- Tu fais quoi, toi ?
- Je manie le fouet depuis plusieurs années. Je peux maintenant
créer un fouet enflammé assez puissant. Entre autres.
- Ouah ! C'est
dur ?
- Assez, il faut beaucoup d'entraînement pour le maîtriser
totalement. J'en suis encore bien loin.
Il
tourna la page le sommaire indiquait le nom de chaque Gardien
de Dofus, il y en avait 11 : Sadida, Osa, Enutrof, Sram, Xelor,
Ecaflip, Eniripsa, Iop, Crâ, Féca, Sacrieur.
Amara feuilleta le livre, en dessous de chaque représentation
d'un Dieu se trouvait la description de ce qu'étaient capables
de faire ses protégés.
- Comment on sait quel Gardien nous protège ?
- Ce n'est pas toi qui choisis, mais un des Gardiens te transmettra
sa magie, et quand il le fera, tu le sauras.
- Quel Gardien te protège ?
- Je suis Osa. On appelle les disciples par le nom de leur Gardien.
- Qu'est-ce qu'Osa te permet de faire ?
- Je t'ai dit tout à l'heure que je maniais le fouet, le
dieu Osa me permet de donner vie à mon arme, grâce
au feu. Le fouet s'enflamme, causant des dommages élémentaires
à ce que je touche.
- Je ne t'ai jamais vu faire ça.
- Je te montrerai, je voulais juste te parler de tout ça
avant de te faire voir. Je ne suis pas encore
très
expérimenté. Il me faudra encore beaucoup d'entraînement
si je veux devenir maître, répondit-il modestement.
Amara
retourna à la page du livre représentant le Dieu
Osa. L'image représentait un homme qui avait des cornes
et une queue fourchue, des animaux dansaient dans les flammes,
autour de lui. En dessous, les descriptions de ce qu'il permettait
de faire étaient notées en lettres manuscrites.
-
Chaque Gardien peut protéger des adeptes de différentes
magies. Osa protège en particulier les adeptes de la magie
du Feu, mais il peut aussi protéger les adeptes de la magie
de la Terre en donnant plus de force à leur bras, quand
ils utilisent un fouet par exemple.
- Est-ce qu'une personne peut posséder plusieurs magies
en elle ?
- Non, je ne pense pas. En tout cas ça ne s'est jamais
vu.
- Il faut que je choisisse un Gardien, qui permette d'utiliser
certaines compétences liées à la magie du
Feu ?
- C'est ça. Mais c'est surtout le gardien qui te choisira,
en tout cas, le moment venu, tu sauras quel Gardien te convient.
Il déposa un baiser sur la joue de son amie, caressant
doucement son bras.
- Que faut il que je fasse ?
- Tu n'as qu'à emmener le livre, le feuilleter, étudier
les pouvoirs de chaque gardien, fit-il en souriant.
La
jeune fille rougit et répondit à son sourire. Elle
ne put s'empêcher d'embrasser doucement les lèvres
de Misugi qui l'enlaça. Il caressa tendrement sa joue d'une
main, caressant en même temps son dos, du bout des doigts.
Soudain, la porte de la salle de lecture s'ouvrit sur le sourire
gentiment moqueur qui s'afficha sur le visage de Loulou quand
elle aperçut ses amis. Elle s'avança vers eux et
s'assit lourdement sur le fauteuil à côté
d'Amara. La petite fée tourna les pages du livre que tenait
Amara et s'arrêta à la page de la Gardienne Eniripsa.
L'image représentait une très belle fée à
la peau clair et aux cheveux blonds, ses ailes dorées repliées
derrière elle.
- C'est ta Gardienne ?
- Voui, elle s'appelle Eniripsa.
- Elle est belle, dit Amara avec un sourire.
- Bien sûr, comme tous ses disciples ! Fit elle d'un air
charmeur. Il est temps pour toi de trouver quel Gardien te protège,
c'est ça ?
- Oui, et je ne sais pas encore qui c'est.
- C'est très important de le découvrir, tu ne pourras
te défendre correctement sans avoir suivi ton initiation,
un rituel permettant au Gardien d'adapter tes pouvoirs aux siens.
- Bon. Et quand je saurai quel Dieu me garde, qu'est-ce que je
devrai faire ?
- Le grand prêtre procédera à ton initiation,
puis tu t'entraîneras avec l'un des disciples de ton Dieu
jusqu'à acquérir certaines compétences.
- Compris.
- Il ne va pas tarder à être midi, allons manger.
Amara ne répondait pas, le livre ouvert sur ses genoux
semblait l'hypnotiser. Elle lisait l'introduction, qui présentait
la mythologie Dofusienne.
- Ama ?
- Hmm.
Loulou et Misugi se levèrent, leur amie les imita. Ne quittant
pas le livre des yeux, elle les suivit jusqu'au réfectoire.
Elle s'assit sur l'un des bancs et posa le livre à plat
sur la table, à coté de son assiette. Elle se replongea
dans sa lecture, n'accordant pas un regard à ses amis.
Elle mangea machinalement, absorbant chaque ligne du gros volume
avec visiblement plus d'intérêt que pour ce qu'elle
avait dans son assiette.
Dès
qu'elle eut fini, elle courut s'enfermer dans sa chambre et s'allongea
sur son lit, seule. Seule avec le livre. Elle caressait chaque
page de parchemin tout en lisant. Quelque chose d'intense se produisait
en elle, une émotion qui faisait qu'elle refusait de se
détacher du livre, de peur de perdre le fil de sa lecture,
et ainsi le fil de ses pensées. Elle s'imprégnait
des descriptions de chacun des Gardiens.
La jeune fille était impressionnée par l'étendue
des pouvoirs élémentaires. Certaines personnes pouvaient
créer des tremblements de terre ou des raz-de-marée,
d'autres pouvaient se rendre "imperceptible", ce qui
signifiait qu'on avait énormément de mal à
les apercevoir ; d'autres encore pouvaient aller jusqu'à
se transformer en arbres ! Mais un pouvoir la laissait rêveuse,
elle avait beau lire et relire chaque passage du livre, seule
la description de ce pouvoir faisait ressentir à Amara
de telles émotions. De plus en plus, la jeune fille se
sentait certaine d'avoir été faite pour servir ce
Gardien. Elle se mit à penser à toute vitesse, retournant
chaque argument dans sa tête mais rien ne pouvait plus la
libérer de l'emprise du Gardien. Enfin, elle savait. Son
Gardien était Osa, ami des animaux.
A
peine la jeune fille formula cette pensée, qu'elle fut
prise de vertige. Un indescriptible bonheur s'insuffla dans son
être, gonflant son coeur d'optimisme et de joie de vivre.
Amara avait trouvé sa voie.
Lorsqu'elle sortit, le livre ouvert à la page décrivant
le Gardien, aucun de ses amis n'était étonné.
En effet, chacun savait que la jeune fille aimait la nature et
les animaux, or le principal pouvoir d'Osa résidait dans
la communication avec les animaux rendue possible par la magie.
C'était le pouvoir qui correspondait le mieux à
la jeune fille, et elle en avait déjà fait la preuve
en s'attachant et en se faisant aimer d'un Tofu et d'un Bouftou
sauvage. Mais la magie d'Amara, d'après les prêtres
du Dragon des Flammes, devait être utilisée à
des fins plus utiles à son destin, elle devait être
capable de se défendre en cas d'attaque de Démon
ou d'autres créatures maléfiques. Elle n'aurait
pas à choisir entre ces deux pouvoirs, car le Dieu Osa,
en plus d'être maître des animaux, maîtrisait
plusieurs techniques d'attaque, en particulier l'invocation d'un
puissant fouet enflammé. Amara se rappela avoir entendu
Misugi en parler, plus tôt dans la journée, mais
son esprit était un peu embrouillé par l'étrange
sensation qui se faisait sentir en elle. Elle se mit alors à
croire en son Gardien. De tout son être, elle ressentait
la présence d'Osa autour d'elle. Elle en vint même
à se demander comment elle n'avait pu l'ignorer jusqu'à
présent.
Misugi
la prit par la main d'un air solennel, ce qui rappela à
Amara son arrivée au berceau. Il la conduisit jusqu'au
temple où l'attendait le maître Tsongor, le grand
prêtre qui devait procéder à son initiation.
Le jeune homme demanda à voix basse :
- Doit-on l'initier si tôt après le choix de son
Gardien ?
- Amara a-t-elle l'air dans son état normal ?
- Non, elle n'a rien dit depuis qu'elle a posé les yeux
sur le livre. Elle sourit comme ça depuis qu'elle est sortie
de la chambre.
- C'est ce qu'on appelle la Transe Elémentaire. Le Gardien
la reconnaît, il ère autour d'Amara, communiquant
avec son esprit. C'est un moment crucial de la vie de ton amie,
elle prend conscience d'une force qu'elle a jusque là ignoré.
C'est un grand bouleversement pour elle.
- Pourquoi est-ce que je n'ai pas vécu ça ?
- Tu l'as vécu, seulement tu étais trop jeune pour
t'en souvenir. Ton père et ta mère étaient
Osa, tu as vécu dans une maison habitée par l'essence
de ce Dieu qui s'est imposé à toi sans te laisser
le choix, pour tes parents, tu es né pour servir Osa. Mais
cet instant, cette Transe Elémentaire ne se reproduira
plus jamais dans la vie d'Amara, et il est primordial de l'initier
lorsque Osa est près de son esprit. Ils vont ainsi entrer
en communion totale, et Osa sera en Amara, comme Amara sera à
jamais près de son Gardien. Etant l'Osa le plus proche
d'elle, et l'un des puis puissants du berceau, tu peux choisir
de devenir son maître. Vas-tu le faire ?
- Bien sûr, répondit-il, gêné par un
compliment si direct.
- En tant que maître, tu peux assister à la cérémonie,
mais tu dois me promettre de n'en parler à personne d'autre
qu'à Amara. Elle même ne s'en souviendra que très
peu. La cérémonie doit rester secrète, chaque
adepte du feu ne doit pas savoir ce qui l'attend lorsque son Gardien
le choisira. Est-ce que tu me promets de n'en parler à
personne en dehors de ta disciple Amara?
- Vous avez ma parole Maître.
Amara se tenait droite, regardant dans le vide, droit devant elle,
un sourire aux lèvres. Elle ne semblait pas entendre son
ami qui parlait avec Maître Tsongor. Elle avait l'air captivée
par quelque chose qu'eux ne pouvaient pas voir.
Le grand prêtre chuchota.
- Ce temple se prête à la communication avec les
Gardiens. Osa lui parle, à sa manière. Amara l'écoute.
Il tendit une bougie et un petit bâtonnet d'encens à
Misugi.
- Mets toi derrière elle, ne la touche pas. Je me mettrai
devant elle, de l'autre côté de la fontaine. Lorsque
je commencerai à verser le contenu de cette fiole dans
la fontaine, tu brûleras l'encens à la flamme de
ta bougie et le promèneras autour du corps de ton amie.
Le
prêtre se plaça en face d'Amara et versa de la poudre
argentée dans la fontaine qui se mit à scintiller.
Misugi alluma le bâtonnet d'encens et entoura Amara de son
odeur avant de le poser sur un petit plateau muni d'un chandelier
et d'un encensoir. La fontaine s'illumina, le faisceau de lumière
s'arrêta au milieu du corps d'Amara, illuminant sa poitrine.
La jeune fille sembla vaciller sur ses jambes. Maître Tsongor
s'approcha d'elle et posa sa main dans son dos. Il la retint juste
à temps, lorsqu'elle perdit connaissance. Il la porta et
l'allongea sur le plateau qui surplombait le centre de la fontaine
puis croisa les mains de la jeune fille sur sa poitrine. Elle
semblait dormir paisiblement. Le jeune homme et son maître
sortirent en silence.
-
Pourquoi doit-on la laisser là ? Demanda Misugi, un peu
inquiet.
- Elle se réveillera quand la cérémonie sera
terminée. Nous devons la laisser seule avec son Gardien,
elle doit en profiter au maximum car ça ne se reproduira
plus jamais.
- Qu'est-ce que je dois faire ?
- Viens, je vais tout t'expliquer.
Misugi suivit son maître jusqu'à son bureau et ils
s'assirent face à face.
- Jusqu'à présent, Amara fut une apprentie. Elle
passe maintenant au rang de disciple. Tu as déjà
eu plusieurs apprentis, qui ont continué à apprendre
la magie dans les écoles auprès des grands maîtres,
la prêtresse Samillia et moi. Dans le cas d'Amara, tout
est différent. Il lui faut un enseignement particulier,
elle ne peut pas apprendre avec les autres disciples à
l'école. Tout d'abord, elle dispose de moins de temps que
les autres, son destin est scellé si l'on en croit cette
prophétie. Elle a besoin d'un entraînement intensif,
de cours très précis, et d'un maître puissant
et très disponible. De plus, son pouvoir est puissant,
et les exercices devront s'adapter à ce pouvoir. Crois-tu
que tu seras capable de tenir ce rôle ?
- Je ferai tout mon possible pour être à la hauteur.
- De ton apprentissage peut dépendre la survie de milliers
de personnes...
- Pourquoi vous ne lui apprenez pas, vous ?
- Eh ben
plusieurs raisons à cela. Tout d'abord,
je suis maître Feca et ne peux entraîner les disciples
des autres Dieux qu'à la magie de niveau simple et basique.
Je forme donc entièrement les Feca, mais pas les autres.
Ensuite, notre maître Osa est parti il y a bien longtemps
et nous n'avons jamais trouvé quelqu'un qui soit assez
puissant pour être digne de le remplacer. Les rares Osa
qui vivent au berceau on acquis leur savoir seuls où à
l'aide de leurs amis. De plus, le disciple et son maître,
afin de travailler main dans la main, doivent entretenir des liens
personnels les plus forts possibles, que ça soit de l'amour,
de l'amitié, ou autre. C'est ainsi que la plupart des jeunes
apprentis peuvent progresser grâce à l'apprentissage
de leurs parents ou d'un ami. Les Feca que je forme ne seront
jamais aussi puissants que ceux qui ont reçu la science
de leurs proches. Et de tous les Osa du berceau, tu es de loin
celui qui a progressé le plus rapidement et avec le plus
d'efficacité.
- Vous pensez que je suis vraiment digne de devenir Maître
Osa ?
- Oui, tu l'es.
- Alors j'accepte l'honneur de devenir le Maître d'Amara.
- Tu t'occuperas seulement d'Amara, tu lui enseigneras l'art de
manier une ou plusieurs des armes de ton Gardien, tu guideras
sa magie sur la voie d'Osa. Je sais qu'elle a déjà
des dons, il faut juste éveiller ses facultés magiques.
- J'y arriverai.
- N'hésite pas à venir me voir chaque fois que tu
as un doute, ou si tu as besoin de conseils.
Soudain,
le visage de Misugi s'éclaira, quand il vit la jeune fille
sortir du temple. Maître Tsongor se tourna vers elle.
- Comment te sens-tu ?
Elle lui adressa un sourire fatigué.
- Je ne me rappelle pas vraiment pourquoi je suis là, mais
ça va.
Elle avait l'air calme, sereine. Ses vêtements imprégnés
de l'enivrant parfum de l'encens accentuaient l'impression de
mystère qui l'entourait. L'esprit encore embrumé
par la cérémonie, elle semblait plongée dans
ses pensées.
Misugi s'approcha d'elle et passa le bras autour de ses épaules.
- Il m'a reconnue.
Amara avait dit ça le plus naturellement du monde, comme
si elle s'y était attendue.
- Il m'attendait.
La jeune fille vacilla un instant sur ses jambes, son ami jeta
un regard interrogatif à son maître.
- C'est normal, elle est épuisée. Allez vous reposer,
nous reparlerons un peu plus tard.
Misugi soutint son amie et l'aida à marcher.
- Merci maître, dit-il au grand prêtre avant de quitter
le jardin du temple.
Ils
se rendirent à la bibliothèque. Le jeune homme allongea
Amara sur l'un des grands canapés rouges et s'assit, il
reposa la tête de son amie sur ses genoux.
- Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
Il lui caressait les cheveux doucement.
- Tu vas découvrir la puissance de tes pouvoirs associés
à la magie de ton Gardien.
- Tu m'aideras si je ne comprends pas l'enseignement de mon maître
?
- Non.
Elle leva les yeux vers lui.
- Je serai ton maître.
Aussi surprise qu'heureuse, Amara lui aurait volontiers sauté
au cou si elle en avait eu la force. Elle se contenta d'un grand
sourire, ce qui pour le jeune homme revenait au même.
- Qu'est-ce qui s'est passé dans le temple ?
Il lui raconta le déroulement de la cérémonie.
-
tu t'es évanouie et nous sommes sortis.
- Osa était dans ma tête, il m'a parlé
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Je ne me souviens plus de tout, il a dit qu'il m'attendait et
avait besoin de moi.
- Tu as vu dans le livre de quels pouvoirs le Gardien disposait
?
- La communication avec les animaux est le plus difficile à
acquérir et n'est pas permis à tout le monde.
- J'ai ce pouvoir, mais je n'ai que de faibles compétences
en la matière.
- Osa permet aussi le maniement et l'invocation d'un fouet de
flammes.
- Tu as bien appris ta leçon.
- Merci maître ! Je peux t'appeler maître ?
Il pouffa.
- Si tu m'appelles maître, je t'appellerai esclave ! Et
je te montrerai comment je me sers de mon fouet !
Elle sourit à cette idée et le provoqua :
- Essaye un peu !
- Je te rappelle que tu n'es pas en position de force, dit-il
en passant un bras autour d'elle.
Elle se redressa et l'enlaça.
- Je récupère vite.
- Je ne vais pas commencer à t'épuiser maintenant,
fit-il avec un sourire, j'aurais tout le temps de le faire pendant
l'entraînement.
La jeune fille ne releva pas le sous-entendu et l'embrassa, par
surprise.
Il
ne trouva rien à répondre à ce baiser, les
deux jeunes gens restèrent ainsi enlacés, dans le
silence de la salle de lecture. L'odeur d'encens qui entourait
Amara se mêlait aux odeurs des livres et des bougies. Le
seul bruit qu'ils entendaient était le tic-tac de la grosse
horloge leur rappelant le temps qui s'écoulait lentement.
Au dehors, il commençait à faire sombre et tout
était calme. Misugi et Amara étaient seuls, mais
ils ne pouvaient s'empêcher de chuchoter.
- Je n'étais jamais venue ici, je ne savais même
pas qu'il y avait une bibliothèque.
- Je ne viens pas souvent non plus.
- Je pense que je reviendrai.
- Tu aimes lire ?
- Oui.
Un
long moment de silence s'en suivit.
- Je me sens
bizarre.
- Fatiguée ?
- Non. Seulement
je ne sais pas. Bizarre.
- Peut-être à cause de la cérémonie.
Il doit se passer quelque chose en toi, je pense.
- Tu n'as jamais
- Non, je suis Osa depuis très jeune, mes parents m'ont
initié peu après ma naissance et je ne m'en souviens
pas.
- C'est dommage.
- En plus, mes parents ne se sont pas occupés de ma formation,
j'ai vécu auprès de ma nourrice jusqu'à l'âge
de 7 ans, après quoi mes parents m'ont amené ici.
- Tu es là depuis tout ce temps
tu n'as jamais eu
envie de partir ?
- J'ai des amis, et j'aime ce que j'apprends ici. Et puis je ne
suis pas prisonnier. Je suis déjà parti, plusieurs
jours, mais le berceau me manquait. Je pense que je ne suis pas
encore prêt à le quitter.
- Je te comprends. Maintenant que je suis ici, j'aurai du mal
à partir avant d'avoir pu découvrir tout ce que
le Dragon des Flammes a à m'apporter. Mais ensuite, j'aurai
aimé voyager, découvrir le reste du monde.
- Plus jeune, je rêvais d'intégrer la milice de Bonta.
Peut-être qu'un jour c'est ce que je ferais.
- Qu'est-ce que c'est, la milice de Bonta ? demanda la jeune fille,
rougissant légèrement de son ignorance.
- On ne t'a jamais parlé de Bonta, la Cité Blanche
?
- Non, fit-elle d'un air désolé. Tu sais, dans l'école
où j'allais, les filles de paysans n'avaient le droit de
suivre des cours que deux années, juste le temps d'apprendre
à lire, écrire et calculer.
- Attends-moi une seconde.
Amara
le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière
le rideau de la bibliothèque. Il revint quelques minutes
plus tard avec quelques livres et parchemins qu'il posa sur une
table basse, devant eux.
- Je peux t'expliquer si ça t'intéresse.
- Bien sûr ! En passant quelques semaines à peine
au berceau, j'aurais déjà appris plus de choses
que depuis le début de ma vie
soupira-t-elle.
Misugi déroula une grande carte devant eux et pointa quelque
chose près du village d'Amakna.
- Nous sommes là. Derrière les collines qui surplombent
Amakna, il y a Astrub et Tainéla. Si tu continues vers
le Nord, tu pénètres dans les immenses plaines de
Cania. C'est bien au Nord des plaines que se trouve la cité
de Bonta.
Il montra une grande zone, tout en haut de la carte. Un drapeau
orné d'un motif représentant de grandes ailes d'ange
de couleur blanche était dessinées à côté
du nom de la ville.
- On l'appelle la cité blanche, par opposition à
Brakmar, la cité pourpre.
Il désignait une zone totalement à l'opposée,
tout en bas de la carte. Des ailes de couleur rouge sang, munies
de cornes et d'une queue fourchue décoraient le drapeau
de la cité.
- Brakmar est aux mains des démons, le roi Brakmarien est
lui-même démon. La milice de Bonta dont je te parlais
fut créée pour protéger la ville et ses habitants
des attaques Brakmariennes, puis quelques gardes furent envoyés
de part et d'autre du monde, les uns pour protéger de petites
villes et villages, d'autres pour faire régner l'ordre
dans le monde entier, défendant les gens des diverses agressions.
- C'est une noble cause.
- Oui, beaucoup d'entraînement, puis il faut être
bon et juste. Il est très difficile d'y entrer et l'on
n'a aucune marge d'erreur.
- Il y a la même chose à Brakmar ?
- Oui, je crois. Et la différence est que les victimes
des soldats d'Elite de Brakmar ne vont pas en prison, ils meurent.
On peut se battre contre les gardes, mais ils sont très
puissants, c'est un combat à mort. Si tu n'arrives pas
à tuer le garde, c'est lui qui te tue.
- Je n'aimerais pas en rencontrer.
- Je n'en ai jamais vu, mais ça ne me dit rien à
moi non plus.
L'horloge
sonna, 22h.
- Il est tard, je n'ai pas vu l'heure passer.
- C'est vrai, moi non plus.
- Nous aurons l'occasion de revenir, tu devras aussi acquérir
certaines connaissances lors de ton entraînement.
- Je m'en doute bien, et j'ai hâte d'y être.
Misugi était surpris de l'insouciance de son amie, elle
réagissait avec simplicité et vivait au jour le
jour, malgré l'étonnante prophétie dont elle
faisait l'objet.
Elle bailla.
- Si on rentrait ? Tu dois être fatiguée.
- C'est vrai, on a beaucoup travaillé ce matin, et j'étais
encore plus fatiguée à la fin de la cérémonie.
- On va se coucher, alors ?
- Voui.
Il lui tendit la main et l'aida à se relever. Ils sortirent.