CHAPITRE
15 : Expédition pour Amara
Au
lever du soleil, tout le berceau était assemblé
dans le temple. Le grand prêtre activa le Zaap et ils furent
transportés devant l'entrée de la petite grotte.
Les six jeunes gens étaient prêts à partir.
Une des jeunes filles portait une robe jaune pâle et se
tenait près d'un jeune homme aux ailes noires. C'étaient
Globox et DrouVirus ; ils étaient suivis par un étrange
attroupement de créatures, l'une d'entre elle semblait
formée totalement de gros blocks de pierre, c'était
un Craqueleur, il marchait d'un pas lent et lourd. Keazou reconnut
aussi un vieux bouftou, un sanglier aux défenses imposantes
et une femelle sanglier suivie de deux marcassins, c'était
le sanglier de Misugi et ses petits. Près de là,
deux jeunes hommes avaient un bouclier brodé sur leur tunique.
L'un portait une tunique rouge foncée, l'autre une noire.
Ils semblaient calmes et regardaient leurs camarades. Ils s'appelaient
Djahil et Beothien. Loulou était accompagnée de
Keazou.
Le
prêtre s'approcha d'eux et leur recommanda encore une fois
la prudence et leur souhaita bonne chance. Il prit ensuite Keazou
à part et lui indiqua l'itinéraire qu'ils devraient
prendre. Il lui confia la responsabilité de diriger l'expédition.
Le
soleil était en train de se lever quand ils partirent.
Le reste du berceau les regarda partir sans un mot, quelques uns
agitaient machinalement la main. Le petit groupe partit vers le
Sud-est, en route pour le camp des Chevaliers de la Terre. Ils
s'arrêteraient ce jour-là au port de Sufokia ou ils
feraient une halte pour la nuit.
Cette
nuit encore fut pénible pour Amara. La jeune fille fit
encore de nombreux cauchemars. Elle tremblait de froid, recroquevillée
sur elle-même. Le froid et l'humidité qui s'infiltraient
partout créaient une atmosphère glaciale. La disciple
d'Osa ouvrit les yeux et sursauta violement, un homme se tenait
dans l'encadrement de la porte, le vent s'engouffrait dans la
pièce accentuant encore le froid qui régnait autour
de la jeune fille.
Amara, fiévreuse, regardait l'homme en tremblant, il s'approcha
d'elle et referma la porte, la jeune fille ne voyait pas bien
mais il avait quelque chose dans les mains.
Un
grattement se fit entendre à la porte, l'homme se retourna
et l'ouvrit.
Amara se retint de crier quand la créature entra. Comme
lors de sa rencontre avec l'Abraknyde, elle pensa que ces créatures
n'existaient que dans les contes pour enfant.
La créature s'approcha d'Amara. La jeune fille effrayée
recula jusqu'à se retrouver dos au mur. L'homme posa la
main sur la tête de la créature qui arrêta
de bouger. Amara la regarda fixement, l'animal avait une couleur
rouge vif et était couvert d'écailles. Il s'agissait
d'un dragonnet, dragon connu par sa petite taille même à
l'age adulte. Le dragonnet arrivait à la taille de celui
qui semblait être son maître. Il possédait
d'énormes pattes griffues et de petites ailes qui semblaient
ridicules par rapport à son corps massif et à sa
grosse tête. Une épaisse vapeur sortait de ses naseaux
quand il soufflait, il semblait jeune et vif.
Amara,
perdue, jeta un regard au démon. Il lâcha l'animal
qui se jeta sur elle. Elle hurla et ferma fort les yeux. Mais
l'animal se contenta de renifler la jeune fille, la parcourant
de son museau chaud, lui soufflant son haleine tiède sur
le visage.
La jeune fille rouvrit les yeux lentement, étonnée
de ne ressentir aucune douleur, et tenta de se faire toute petite.
Le démon eut l'air amusé lorsque le dragonnet revint
vers lui. Il s'approcha de la jeune fille encore tremblante et
l'appela par son prénom :
- Amara ?
Elle leva les yeux, effrayée et tenta de reculer encore.
Dans son esprit, une idée était profondément
ancrée : L'un de ces démons avaient tué son
ami, ils étaient dangereux.
Le démon n'insista pas. Il déposa quelque chose
sur les genoux d'Amara avant de partir.
Une
fois l'homme parti, elle s'intéressa à ce qu'il
lui avait laissé. A nouveau, elle ne put réprimer
un élan de gratitude envers le démon qui venait
de la quitter en sentant le lourd et chaud tissu orangé
de sa cape, pliée sur ses genoux. Elle se rappela avec
douleur l'avoir laissée près de Misugi dans le caveau.
Elle se demanda pourquoi un ou plusieurs de ces démons
prenaient relativement soin d'elle après l'avoir ainsi
enlevée et enfermée. Elle se sentait faible, elle
déplia la lourde cape et la mis sur ses épaules.
Déjà, elle aurait moins froid. Elle s'allongea lentement,
sa tête recommençait à bourdonner, elle n'avait
plus envie de réfléchir.
Une fois de plus, elle sombra dans un sommeil comateux où
elle revoyait les images d'horreur des dernières nuits,
gémissant dans son sommeil.
Le
jour finit de se lever lorsque les six compagnons quittèrent
le village d'Amakna. Ils se dirigèrent vers les épaisses
forêts qui bordaient le village. Keazou marchait aux cotés
de Loulou, à la tête du groupe ; Un rang s'était
formé naturellement entre les compagnons. Derrière
Keazou et Loulou se trouvaient DrouVirus et Globox. Beothien et
Djahil discutaient à voix basse derrière eux et
les animaux fermaient la marche.
Loulou semblait marcher machinalement, à demi réveillée.
Mais elle avait l'air d'aller mieux que la veille, ce qui suffit
à réjouir Keazou.
A
l'entrée de la forêt, le jeune homme les fit s'arrêter
d'un signe de la main.
- Nous devons faire attention, je ne sais pas si le mal est arrivé
jusqu'ici, la forêt est peut-être infestée
de monstres et autres créatures sauvages. Nous ferions
mieux de nous regrouper au mieux afin de nous préparer
à toute éventualité. Je partirai devant avec
DrouVirus et Djahil, derrière moi, Beothien et Loulou.
Globox fermera la marche, prête à envoyer ses animaux
au combat. Si nous sommes attaqués, Beothien et Djahil
nous protègerons immédiatement avec leurs boucliers,
les fées soigneront les blessés tout au long du
combat. Si les ennemis sont nombreux, Beothien et Djahil ont leurs
bâtons. En cas de besoin, Globox pourra intervenir en même
temps que ses animaux. Est-ce que ce système convient à
tout le monde ?
Tous acquiescèrent et se tinrent à la place qui
leur avait été désignée.
- Bien. Avançons prudemment même si cela nous demandera
plus de temps pour atteindre notre but.
Le
groupe pénétra dans la forêt et suivirent
un petit sentier. Chacun était sur ses gardes, ils ne parlaient
guère. Une majeure partie de la matinée se passa
sans incidents et les six compagnons s'arrêtèrent
pour déjeuner dans une ambiance plus détendue. Keazou
proposa une halte aux alentours de midi, dans une clairière
bordée d'arbres. Ils s'assirent sur des souches ou sur
de grosses pierres et commencèrent à manger en silence.
Keazou ne connaissait aucun de ses compagnons mis à part
Loulou. Il porta son regard sur elle, assise au pied d'un arbre,
elle le regardait. Il alla s'asseoir à côté
d'elle.
- Comment tu te sens ?
Elle continua de le regarder sans un mot. Il réalisa qu'elle
ne lui avait pas parlé depuis l'annonce de la mort de Misugi.
Elle semblait constamment plongée dans ses pensées.
- Ca va
Combien de temps reste-t-il avant d'arriver à
Sufokia ?
- Nous y arriverons un peu avant la tombée de la nuit si
tout se passe bien.
- Quand arriverons-nous à destination ?
- Dans quatre à cinq jours, toujours si tout se passe bien.
- Où est Amara ?
- A bord d'un bateau de démons, à l'est d'Amakna.
Elle sembla pensive une fois de plus.
- Mange Loulou.
- Non merci, je n'ai pas faim.
Il s'agenouilla devant elle et lui prit les mains.
- S'il te plait, mange un petit peu.
Il lui déposa un baiser sur la joue et s'éloigna.
Globox
était appuyée contre un gros orme, DrouVirus assis
sur une de ses branches basses. Keazou se dirigea vers eux. Le
Craqueleur, immobile, ressemblait à s'y méprendre
à un gros tas de pierre. Le jeune Iop eut un mouvement
de recul en le voyant bouger. Le bouftou de Globox semblait épuisé,
il était couché plus loin, sur le chemin. Le sanglier
de Misugi allaitait ses deux petits, celui de Globox reniflait
les buissons, tout autour, les deux Féca s'étaient
rapprochés et tous étaient assemblés. Loulou
restait toujours en retrait, elle regardait le bouftou endormi.
Keazou demanda :
- Tout le monde va bien ?
Ses camarades hochèrent la tête.
- Nous allons nous reposer un moment avant de repartir, nous sommes
presque à mi-chemin du port.
- Où va-t-on au juste ? Demanda DrouVirus en descendant
de la branche sur laquelle il était perché.
- Au berceau des Chevaliers de la Terre.
- Il est loin d'ici ?
Maintenant,
tous étaient à l'écoute de Keazou. Même
Loulou s'était rapprochée et écoutait.
- Quand nous arriverons à Sufokia, nous ferons une halte
jusqu'à demain matin. Ensuite nous traverserons la côte
d'Asse, nous passerons la nuit en bord de Mer. Nous traverserons
ensuite les champs et ferons une halte d'une demi-journée
au village des Tofus Perdus afin de nous ressourcer pour la plus
grosse partie de notre expédition : Nous partirons dès
l'aube pour traverser le haut de la Presqu'île des Dragufs.
Selon l'heure où nous arriverons au camp Bwork, nous le
traverserons ou camperons avant d'y pénétrer. Il
nous faudra donc entre trois et quatre jours pour atteindre les
Chevaliers. Toujours si notre traversée se passe bien.
Cette durée peut varier si nous avons à nous battre,
auquel cas nous devrons nous arrêter plus longtemps et plus
souvent. Si nous sommes attaqués par les dragufs
nous devrons probablement marcher de nuit, je ne tiens pas à
être surpris par un dragoeuf dans mon sommeil si nous campons
sur leur territoire.
- Mais
n'y a-t-il pas une route plus sûre et plus
directe pour aller au camp Bwork ? Si nous allions directement
du port jusqu'au camp ?
- Oui c'est vrai, mais tu oublies le labyrinthe
Les démons
ne doivent surtout pas savoir ce qui se prépare, or beaucoup
d'entre eux rodent autour du labyrinthe, nous devrons faire un
grand détour pour le contourner sans passer devant l'entrée.
De même pour les cimetières. C'est pour plus de sûreté
que nous faisons ce détour.
Il leur fit signe de se lever et demanda :
- Vous êtes prêts à repartir ?
Ils
acquiescèrent et reprirent la marche. Globox prit la parole.
- Ce sera plus prudent mais plus long. N'est-il pas urgent de
secourir Amara ?
- Nous avons la certitude qu'Amara est en sécurité.
Il est bien sûr important de la secourir au plus vite, mais
il ne faut prendre aucun risque si nous voulons réussir
à reprendre Amara aux démons.
- Comment va-t-on la retrouver ? Questionna Beothien alors qu'ils
continuaient à avancer dans la forêt.
- Je ne sais pas, les prêtres au Dragon des Flammes essayent
sûrement de localiser le bateau.
- Des espions de l'ordre des Brigands du Désert ont été
envoyés sur la trajectoire du bateau, il y en a à
terre le long des côtes, d'autres sur des bateaux marchands,
d'autres encore sur les îles aux alentours d'Amakna.
Keazou se retourna, c'était Loulou qui avait parlé.
- Voilà, donc en arrivant au berceau, nous devrions être
informés de l'endroit précis où se trouve
le bateau. Une équipe sera envoyée avec des instructions
précises pour sauver Amara.
- Tu connais Amara ?
- Je l'ai déjà vue, c'est elle qui m'a trouvé
avec Loulou, mais je ne la connais pas personnellement. Et vous
?
- C'était la petite amie de Misugi
j'ai déjà
discuté avec elle, elle a l'air sympa. Ca fait pas longtemps
qu'elle est arrivée au berceau, répondit DrouVirus.
- J'ai remarqué qu'elle avait des animaux, elle pourrait
essayer de les dresser. J'aimerai bien discuter avec elle, ajouta
Globox.
- Moi, je l'ai déjà vue, elle est jeune mais elle
est très jolie, dit Beothien, plaisantant à moitié.
- Très jolie c'est vrai, commenta Djahil. Elle avait une
mignonne petite robe bleue quand elle est sortie l'autre jour.
Cette remarque provoqua quelques sourires.
- Et toi Loulou ? Lui demanda Djahil.
- Misugi était mon meilleur ami. Amara est une bonne copine,
elle est dans la même chambre que moi au berceau. Nous restions
souvent ensemble depuis qu'elle est arrivée.
Ils
continuèrent ainsi à discuter tout en marchant d'un
bon pas sur le sentier.
- Attendez, la forêt devint plus dense ici, on va devoir
se serrer. Essayez quand même de plus où moins conserver
votre position. Nous sommes facilement repérables. Soyez
vigilants, nous ferons une pause en sortant de la forêt.
Le sentier se finissant, le groupe s'engouffra au cur de
la forêt. Keazou sortit son épée, coupant
les branches encombrantes. DrouVirus parti devant lui, dégageait
les ronces gênantes avec son petit couteau de chasse, se
faufilant sous les grosses branches avant que Keazou ne les coupe,
rendant ainsi leur progression plus aisée.
DrouVirus
s'arrêta d'un coup.
- Attention.
Keazou repassa devant, ils étaient arrivés dans
une grande clairière. Devant eux s'avançaient cinq
Abraknydes, grands et menaçants. Ils balançaient
les énormes branches qui leur servaient de bras au dessus
de leur corps, un gigantesque tronc creux, parsemé de petites
branches feuillues. De grosses araignées rampaient aux
côtés des arbres, apparaissant sous une racine où
une autre. Ces araignées maléfiques, énormes,
bâtissaient leurs nids au creux du tronc des Abraknydes,
tissant leurs toiles entre leurs branches, et à l'intérieur
des arbres.
Le groupe s'avança dans la clairière. Les Abraknydes
se dirigèrent vers les jeunes gens, balançant leurs
branches de manière ridicule. Un Abraknyde, malgré
sa force, n'était pas particulièrement malin.
Immédiatement,
Beothien et Djahil créèrent de puissants boucliers.
Vinrent ensuite les sortilèges des fées qui donnaient
force et courage aux combattants.
Keazou courut vers un Abraknyde, fit tournoyer son épée
et l'abattit sur la créature qui devint folle, tentant
d'agripper le jeune homme de ses branches grossières. Keazou
frappa encore, l'Abraknyde ne fut bientôt réduit
qu'à un petit tas de bois.
Les fées soignaient les combattants tour à tour
par des sorts simples mais efficaces.
Beothien créa un bouclier enflammé qu'il dirigea
vers le sol, devant les deux arbres qui allaient abattre leurs
branches sur le crâne de Loulou et le poussa sur le bouclier
de Beothien d'un coup de bâton. L'arbre s'enflamma immédiatement
et il n'en resta rapidement plus qu'un tas de cendres chaudes.
Globox qui était restée derrière, envoya
son Craqueleur se battre contre un Abraknyde particulièrement
gros. Le Craqueleur, de ses énormes bras de pierre, broyait
littéralement le bois mince qui composait le corps de la
créature. Les deux sangliers tournaient autour des deux
Abraknydes suivants, les repoussant sur le bouclier, de leurs
puissantes défenses.
Beothien et Djahil maintenaient le feu sur le bouclier. Bientôt,
apparurent deux autres tas de cendres fumantes.
Des
sourires naquirent sur les lèvres des combattants essoufflés.
Le combat avait été rapide et relativement facile,
une parfaite coordination avait été présente
tout au long du combat et au final, l'attaque les avait diverti.
Ils reprirent leur marche en direction de la mer et s'arrêtèrent
en milieu d'après-midi au bord d'un grand étang.
L'eau avait une couleur douteuse et personne ne voulut trop s'approcher
du bord. On distinguait sous la surface des silhouettes de gros
poissons, filant sous les nénuphars et autres plantes aquatiques
de couleur verdâtre. L'endroit n'avait rien d'accueillant
mais les arbres bordant le sentier leur procurait une ombre agréable,
il faisait encore chaud et tous furent heureux de se reposer un
moment.