CHAPITRE
4 : Le Dragon des flammes
La
même sensation de bien être envahit la jeune fille
quand elle s'approcha de l'escalier. Quand elle descendit, les
torches s'allumèrent, le feu se réveilla en elle.
Elle effleura le socle de pierre, du bout des doigts, les symboles
s'allumèrent et brillèrent d'une lumière
rougeoyante comme de la braise.
Amara se mit à genoux sur le socle de pierre, protégeant
ses animaux de ses bras. La lumière commença à
briller plus fort, elle s'éleva peu à peu autour
d'Amara, l'enveloppant de ses éclats dorés. Amara
ferma les yeux et se sentit basculer. Le voyage ne dura pas plus
de quelques secondes. La jeune fille fut étonnée
de ne pas se retrouver dans la belle herbe verte. Elle s'inquiéta
de ne voir ni ses animaux ni ses bagages
Elle était
seule, dans le noir total, allongée sur un cercle de pierre.
Elle tendit les bras et ne sentit que le vide autour d'elle, elle
ne pouvait distinguer à quelle hauteur elle se trouvait.
Elle entendait de l'eau, loin au dessous d'elle. Amara maintint
ses yeux fermés, elle sentait qu'il y avait d'autres personnes
tout près. Elle commençait à avoir un peu
peur. Elle ouvrit les yeux et vit une petite lumière briller,
loin devant elle. Elle se força à rester calme et
a réfléchir. Le petit point lumineux se mit à
trembloter, il faiblit peu à peu et finit par s'éteindre
Amara était tout à fait calme, la plate-forme sur
laquelle elle se trouvait s'ébranla et commença
a descendre. Quand elle s'immobilisa, toutes les lumières
s'allumèrent. La jeune fille cligna des yeux et regarda
autour d'elle, elle se trouvait au centre d'une grande fontaine,
dans une sorte de temple. De nombreuses personnes étaient
rassemblées devant la fontaine et lui souriaient. Elle
les regarda, l'air étonné. Un garçon s'approcha
et lui prit la main. Il l'aida à descendre du socle de
pierre et l'amena devant une table qui se trouvait au bout de
la salle, libérant un passage entre les personnes assemblées.
Sur la table se trouvait un gros livre recouvert de cuir. Maître
Tsongor et la vielle femme qui avait amené Amara le premier
jour s'avancèrent de l'autre côté de la table,
le jeune homme lâcha la main d'Amara et se retira.
La femme lui dévoila enfin son identité, elle s'appelait
Samilia, mais nombre de gens préféraient l'appeler
" la Grande Prêtresse ".
Elle lui montra le gros livre, tout ce que lui avait dit Maître
Tsongor était résumé sur la page de gauche.
Amara se mit à lire. Sur la page de droite, Amara affirma
avoir pris connaissance des règles et obligations de l'ordre.
Elle mit son nom et signa. Elle ajouta le bouftou et le tofu en
bas de page et releva la tête. Tout le monde applaudit.
Amara leur sourit timidement.
Le
jeune homme revint vers elle. La Grande Prêtresse expliqua
qu'il l'aiderait dans la pratique de la magie, c'était
son meilleur élève.
Amara était un peu gênée par cet inconnu qui
la prenait par la main. Il avait l'air gentil. Il partit devant
et lui demanda de le suivre. Amara regarda les prêtres qui
acquiescèrent d'un discret signe de tête. La jeune
fille fut heureuse de sortir de la pièce sombre et de voir
la lumière du jour.
Le garçon la mena dans les jardins, se dirigeant vers le
grand bâtiment, Amara n'y était jamais entrée.
Elle le suivit derrière la lourde porte de métal,
le long des couloirs. Elle entendait des voix. Sur une plaque
de métal, on pouvait lire : " Dortoirs ". Le
couloir paraissait interminable, large et très long. De
chaque coté il y avait de nombreuses portes, des numéros
y étaient gravés.
Arrivés
vers le milieu du couloir, le jeune homme s'arrêta. On entendait
des éclats de voix exaspérés, apparemment
une fille se disputait avec quelqu'un à l'intérieur.
Il frappa à la porte, le silence ce fit. Le garçon
appela :
- Lou ?
- Entre Misugi, lui répondit-la voix.
Ils entrèrent. La chambre n'était pas très
grande mais il y avait facilement de la place pour deux personnes.
Le sol était d'un bois très clair, ciré.
La tapisserie orangée donnait un aspect chaleureux à
la pièce. Une petite horloge était accrochée
sur l'un des murs, de petites clochettes pendaient en dessous
du cadran. Les deux lits étaient séparés
d'un mètre environ, une table de chevet bordait les cotés
de chaque lit. A côté de la porte, deux grandes armoires.
A droite, une porte donnait sur une petite salle de bains.
Amara
comprit la raison des cris. La jeune fille était assise
devant un joli bureau de bois, une plume à la main. Son
bras était recouvert d'encre bleu foncée. Amara
tourna la tête vers les piaillements affolés qui
se faisaient entendre ; La jeune fille ne paraissait plus en colère,
elle tourna la tête vers l'autre côté de la
pièce et tous trois rigolèrent en découvrant
le tofu recouvert d'encre de la tête aux pattes. Un moment
plus tard, Misugi dit à Amara que c'était sa chambre,
il lui montra du doigt ses affaires qui avaient été
déposées au pied du lit. Puis il sortit, adressant
un signe de main aux filles.
- A tout à l'heure.
Amara
posa les yeux sur sa camarade de chambre. Elle était très
jolie, de longs cheveux bouclés de couleur châtain
clair lui tombaient sur les épaules. La couleur de ses
yeux semblait hésiter entre le vert et le bleu, leur donnait
une couleur étrange et profonde. Amara pensa au cur
des émeraudes qu'elle avait vu chez le bijoutier du village.
Elle était vêtue d'un short très court, de
couleur rouge vif. Un petit débardeur de la même
couleur lui arrivait en haut du ventre.
Amara ne fut pas étonnée de voir les deux grandes
ailes au dos de la jeune fille. Elle avait déjà
vu des personnes semblables au village. Ses ailes étaient
noires, parcourues de reflets bleutés. Sa peau était
très claire. Amara pensa qu'elle avait à peu près
son âge, peut-être un peu plus âgée,
elle apprit plus tard qu'à une année près,
elle ne s'était pas trompée.
La jeune fille lui sourit et dit :
- On m'a donné le surnom de Loulou-la-fée, mais
plus couramment on dit Loulou, ou Lou, pour les amis.
Amara
se présenta puis s'excusa pour l'encre, son tofu était
un peu turbulent mais pas méchant.
Le bouftou quand à lui était installé dans
son panier et bavait paisiblement, plongé dans un profond
sommeil.
Amara
commença à ranger ses affaires pendant que Loulou,
dans la salle de bains, tentait désespérément
de nettoyer son bras dont la tâche ne partait pas.
Elles
discutèrent, chacune racontant son arrivée ici,
Loulou habitait à l'est d'Amakna, dans une grande maison
prêt de la mer. Elle avait découvert le Zaap derrière
les rochers en se promenant avec son petit ami. Amara sourit et
demanda si le garçon dont elle parlait était parmi
eux. Loulou répondit tristement qu'il ne portait pas le
feu en lui mais la force de l'air. Elle n'ajouta aucun détail.
Quand Loulou abandonna la salle de bains, perdant l'espoir d'enlever
toute l'encre de son bras, Amara alla prendre une douche. Loulou
chantait en attendant sa camarade. Le bruit de l'eau empêchait
Amara de comprendre les paroles de la chanson. Elle s'habilla,
une jolie robe bleu clair mettait son corps en valeur, elle lui
arrivait au bas des cuisses. Elle sortit de la salle de bains,
les cheveux en désordre, essayant tant bien que mal d'attacher
les boutons au dos de sa robe, Loulou se leva et l'aida. A ce
moment là, la porte s'ouvrit et Misugi entra. Amara rougit
légèrement et retourna dans la salle de bains pour
se coiffer. Elle ressortit quelques minutes plus tard, Misugi
était assis sur le lit d'Amara et discutait avec Loulou.
Amara alla s'asseoir près de sa camarade et les écouta.
Peu de temps après, les petites clochettes s'agitèrent
: 19h30. Loulou et Misugi se levèrent.
- Repas à 19h30.
Amara les suivit le long du couloir. Plus loin, sur le mur d'en
face, un grand couloir était situé entre deux chambres.
Dans tout le bâtiment, le sol était fait de gros
pavés de pierre ou de bois ciré selon les endroits
où l'on se trouvait. Le sol des couloirs était en
pierres.
Au bout de ce couloir, une immense pièce était meublée
de très grandes tables. Des gens arrivaient des trois entrées,
sur chaque côté de la salle.
Les tables commençaient à se remplir, la salle était
assez bruyante. Loulou repéra une bande d'amis au milieu
de la salle, ils les rejoignirent et s'installèrent près
d'eux. La jolie fée sa nouvelle camarade aux autres.
Quand tout le monde fut installé, des personnes avancèrent
entre les tables avec de grands plateaux, elles posaient un plat
et une carafe d'eau devant chaque groupe de personnes. Chacun
se servit et l'on commença à manger. Soudain le
silence se fit, tout le monde se leva ; Amara, étonnée,
suivit le mouvement et regarda autour d'elle. Elle comprit la
cause de cette agitation en apercevant la prêtresse Samilia.
Elle s'approcha, face aux tables et les parcourut des yeux. Quand
elle aperçut Amara, elle lui fit signe et l'appela. Amara
s'approcha, sentant tous les yeux rivés sur elle. La grande
prêtresse fit signe de s'asseoir puis elle prit la parole
et présenta brièvement Amara. Elle termina en disant
que la fête se déroulerait au cours de la semaine
suivante. Ces dernières paroles furent accueillies par
des applaudissements joyeux.
Amara
regagna sa place et tout le monde se remit à manger. Puis,
à la fin du repas, tout le monde sortit de table et se
dispersa. Loulou demanda si elle voulait sortir, Misugi proposa
une promenade sur la plage. Amara acquiesça et alla chercher
ses animaux. Ils se rendirent au Zaap le plus proche. Loulou,
qui utilisait plus souvent le Zaap vers la plage, prit la main
de ses camarades et ils entrèrent sur le socle de pierre.
Ils se retrouvèrent quelques instants plus tard sur le
sable, entourés de rochers. Le sable recouvrait à
moitié le socle. Ils allèrent s'installer sur la
plage, d'autres groupes discutaient entre eux, tout autour. Puis
la petite fée s'éloigna.
- Je reviens tout de suite.
Amara la regarda partir ; Misugi lui expliqua qu'elle allait chercher
son petit ami. Tout le monde l'appelait Guitou, bien que personne
ne sache d'où lui venait ce surnom. Il était un
des meilleurs amis de Misugi.
Misugi
et Amara discutèrent, parlèrent de l'endroit d'où
ils venaient. Jusqu'à ce que Loulou revienne.
Le jeune homme était au berceau depuis l'âge de sept
ans, alors que Loulou était arrivée deux ans auparavant.
Avant, il vivait avec ses parents, dans une petite maison d'un
village du Sud. Le Zaap le plus proche de chez lui se trouvait
juste derrière les grilles du cimetière.
Au loin, ils virent Loulou revenir, tenant un jeune homme par
la taille. Ils se rapprochèrent. Amara frissonna en apercevant
les traits de Guitou, il était extrêmement mince,
son visage et ses mains étaient si pâles qu'ils en
paraissaient presque blancs. Il portait une veste de cuir rouge
surmontée d'une grande capuche qui cachait un peu son visage.
Une grosse ceinture serrait sa taille, une broche de métal
jaune pâle brillait sur sa poitrine, elle représentait
un grand serpent.
Amara se détendit un peu quand l'étrange garçon
commença à plaisanter avec Misugi, tout en caressant
le bras de Loulou.
Amara les écoutait, elle s'allongea sur le sable, un peu
fatiguée. Bercée par le bruit des vagues, elle s'assoupit.
Amara
se trouve sur une île, l'herbe est verte, la terre, de couleur
ocre rouge. Elle voit la mer, bleu foncée. Elle marche
le long d'un chemin de terre argileuse. D'étranges créatures
l'observent, d'un air amical. La jeune fille n'arrive pas à
les distinguer nettement.
Elle entre dans un petit édifice qui semble être
une galerie, de grosses lanternes éclairent l'intérieur.
Elle descend toujours plus profondément dans la galerie,
les créatures la regardent passer. Elle arrive ensuite
dans une grande pièce, un tapis par terre semble marquer
un emplacement précis. Un rideau est accroché au
mur derrière ce tapis. Sans hésiter, Amara se dirige
dans cette direction. Elle repousse le rideau et découvre
une petite échelle. Au bas de cette échelle, Amara
se retrouve dans une pièce circulaire, une couche de paille
est étalée par terre. Un couple de créatures
est penché sur un berceau de paille, deux bébés
dorment à l'intérieur. L'un est une de ces créatures,
l'autre est humain.
L'esprit d'Amara est un peu embrouillé et elle ne parvient
toujours pas à distinguer les créatures qu'elle
a devant elle ; pourtant, son cur bat plus vite, comme soudainement
rempli de tendresse pour les trois créatures présentes
au milieu de la couche de paille.
Quand
elle ouvrit les yeux, seulement quelques minutes s'étaient
écoulées. Loulou et Guitou étaient l'un dans
les bras de l'autre et se câlinaient.
Misugi quand à lui avait les yeux tournés vers elle,
il lui sourit en voyant qu'elle était réveillée.
Il s'approcha du couple et dit qu'il allait rentrer avec Amara
qui était fatiguée. Les amoureux adressèrent
un signe de main à Amara qui partit en compagnie de Misugi.
Ils marchèrent en silence le long de la plage. Arrivés
devant le Zaap, elle lui dit qu'elle pourrait tout aussi bien
rentrer seule s'il voulait rester. Mais il préféra
rentrer lui aussi, ça ne l'enchantait pas plus que ça
de les regarder se faire les yeux doux. Amara lui sourit.
Ils approchèrent et Misugi la prit par la main, ils passèrent
le Zaap. Il ne lâcha pas sa main et la ramena jusqu'à
sa chambre. Misugi lui demanda si elle avait besoin de quelque
chose, puis il partit. Amara ferma la porte derrière lui.
Elle se déshabilla et se mit au lit. Elle repensa à
son rêve, il était si réaliste. Elle s'endormit
rapidement. Elle ouvrit à peine les yeux quand Loulou rentra,
beaucoup plus tard dans la nuit.
Le
lendemain matin, Amara se réveilla avant Loulou, elle regarda
l'horloge accrochée devant son lit, il était neuf
heures. Elle se leva et s'habilla silencieusement. Elle sortit.
Il y avait déjà du monde dans les jardins. Elle
se promena le long d'un chemin bordé de grandes orchidées
roses. Un garçon était assis au milieu des fleurs,
il regardait avec intérêt les pétales d'une
orchidée particulièrement grosse. Il était
plus âgé qu'Amara, celle-ci lui donnait dix-huit
ou dix-neuf ans. Amara continua à marcher et le salua en
s'arrêtant à côté de lui. Le garçon
quitta la fleur des yeux, comme à regret et se leva en
regardant Amara. Il rougit légèrement et répondit
à son salut en bafouillant, il avait l'air très
timide. Il portait un simple short vert et un tee-shirt assorti.
Ses cheveux étaient bruns et un peu en désordre.
Le jeune homme paraissait mal à l'aise, Amara ne sachant
plus trop ce qu'elle devait dire lui demanda ce qu'il regardait
dans cette grosse fleur. Ses yeux s'éclairèrent
et il se remit à genoux devant l'orchidée, Amara
s'agenouilla à côté de lui et regarda la fleur.
Il expliqua calmement qu'il était alchimiste ; la jeune
fille ne comprit pas mais acquiesça ; Voyant son air perplexe
il lui demanda :
- Amara, c'est bien ça ? On m'appelle Dain. Les alchimistes
préparent toutes sortes de potions, sirops et médicaments
à base de plantes. Leur travail est d'observer chaque fleur,
chaque plante. Ils cueillent les plus appropriées à
leurs préparations. Donc, en venant cueillir ces orchidées,
il avait trouvé cette étrange fleur ; elle était
bien trop grosse pour n'être qu'une simple orchidée
mais la forme de ses pétales ne trompe pas, c'est bien
une fleur de la même famille. Regarde les reflets orangés
ici, mêlés au rose de la fleur.
Amara caressa la fleur du doigt, la rosée matinale la recouvrait
encore.
- Je pense que c'est un croisement entre deux fleurs.
- Peut-être. Je vais rejoindre les autres alchimistes si
tu veux venir voir, tu peux.
La jeune fille, intéressée, accepta volontiers.
Ils longèrent d'autres allées de fleurs ou d'herbes
diverses. Le laboratoire d'alchimie était installé
au milieu d'un gigantesque verger. Les arbres fruitiers, abricotiers,
cerisiers, amandiers, pommiers et bien d'autres encore, étaient
en fleurs ; Amara trouva ça magnifique. La forte odeur
des arbres fleuris lui montait agréablement à la
tête.
Elle suivit Dain jusqu'au grand carré de terre sèche
sur lequel étaient installés de longues tables et
de nombreux instruments d'alchimie. Plus loin, une corde était
tendue entre deux arbres et des fleurs y séchaient, accrochées
par la tige. Les alchimistes travaillaient avec des gants de fin
tissu vert. Ils préparaient de petites fioles de potions,
piochant les fleurs dans de grands paniers d'osier. Amara dit
à Dain qu'elle allait rentrer aux dortoirs et qu'ils se
verraient plus tard.
Elle le quitta et s'éloigna, dévorant des yeux le
mélange de couleurs des étendues de fleurs.