CHAPITRE
2 : Les Chasseurs-Pèlerins
Mais
il-de-loutre grandissait, elle avait cinq ans de plus qu'Amara.
Sa grande curiosité la poussait toujours plus loin dans
sa découverte du monde qui l'entourait. Elle restait de
moins en moins à la maison, passant ses journées
dehors, en forêt ou au village à discuter avec les
artisans.
Elle rentrait, le soir, et ramenait un peu d'argent à la
maison, gagné en effectuant quelques travaux que lui confiaient
les villageois. Les soirs, assis dans le salon, la famille écoutait
les récits que racontait la jeune fille. Parfois elle racontait
ce qu'elle avait fait ou ce qu'elle avait vu, d'autres fois elle
se lançait dans l'explication des métiers auxquels
elle s'intéressait. Le reste du temps, elle racontait les
légendes et les vieilles histoires d'Amakna. il-de-loutre,
le soir, chantait des chansons à sa jeune sur qui
les apprenait par cur. Et pendant les longues soirées
d'hiver, elles chantaient en chur après le dîner,
devant la cheminée.
Une
belle matinée de printemps, alors qu'il-de-loutre
allait vers ses treize ans, une rumeur circulait dans le village
: les Chasseurs-Pèlerins allaient revenir dans les contrées.
Des fêtes prestigieuses avaient été données,
onze ans auparavant, quand les pèlerins avaient planté
leur campement près du village. Les hommes avaient aperçu
l'un des chasseurs entrer dans le château du roi.
Les
Chasseurs-Pèlerins voyageaient à travers le monde
entier, ils pratiquaient avec ferveur l'art de la chasse et étaient
pourtant si proches de la nature qu'ils ne tuaient jamais les
animaux capturés. Ils chassaient à l'arc, mais leurs
flèches faites d'un bois fin et léger, étaient
prolongées par de fines aiguilles qui ne pénétraient
que légèrement sous la peau des animaux. Ces aiguilles
étaient enduites d'une mixture que seuls les pèlerins
connaissaient. Le produit endormait les animaux. Les chasseurs
capturaient les animaux endormis.
Le trophée qu'ils ramenaient de leurs chasses était
des dessins. En effet, chaque fois qu'un chasseur capturait un
animal, il en faisait un dessin avant de le relâcher. Aucun
des dessins n'était identique. Il fallait dessiner l'animal
endormi dans son environnement, choisir avec soin les couleurs.
Lorsque c'était possible, les chasseurs joignaient quelque
chose à leur dessins, par exemple : quelques poils, un
morceau de laine, une écaille, une plume.
Hormis la majorité de chasseurs, on trouvait aussi, dans
la troupe des Chasseurs-Pèlerins, quelques artisans, tailleurs,
cordonniers
Les plus beaux des dessins étaient reproduits
sur une partie de leur production, tels que des vêtements,
capes, chapeaux, chaussures et bandeaux, du linge de maison, rideaux,
draps, nappes et tapis. Il y avait aussi de petites statuettes,
des flûtes et d'autres instruments de musique. Ces produits
étaient destinés à être vendus dans
les villes et villages où les pèlerins s'arrêtaient.
C'étaient des produits rares et chers, ils étaient
longs et difficiles à réaliser. L'argent de la vente
permettait aux Chasseurs-Pèlerins de continuer à
voyager dans de bonnes conditions et de continuer à exercer
leur passion. Les pèlerins organisaient, pendant deux semaines,
une grande foire où ils vendaient leurs marchandises. Ils
restaient environ pendant deux mois au même endroit, chassant
dans les environs, selon la période de l'année.
il-de-loutre
apprit la nouvelle et partit au village pour se renseigner. A
la bibliothèque, elle lut tout ce qui parlait des chasseurs.
Puis ils arrivèrent au village. Les grands archers étaient
un peu impressionnants, ils portaient des combinaisons souples
aux couleurs parfois sombres, parfois plus claires, se mariant
parfaitement avec la nature qui les entouraient. Leurs arcs peints
et sculptés étaient tous plus magnifiques les uns
que les autres. Les archers portaient à la taille une grande
sacoche destinée à abriter leurs dessins, leurs
biens les plus précieux mis à part leur arc.
La
jeune fille, fascinée par ces hommes, les observa. D'abord
de loin. Puis elle s'approcha un peu plus. Chaque jour elle rentrait
chez elle avec de nouvelles choses à raconter, ce qu'elle
faisait avec entrain et excitation.
Les chasseurs s'installèrent dans une clairière,
non loin du village. L'enfant se réjouit de les savoir
si proches de chez elle.
Leur
campement était fait seulement de toiles de tente tirées
par des piquets de bois. Un peu en retrait, on trouvait le bâtiment
principal de la troupe : une grande roulotte de bois qui contenait
les objets destinés à être vendus, la nourriture
et le matériel utilisé pour le campement, toiles
de tentes, couvertures, ustensiles de cuisine
etc.
Celui
qui semblait être le chef des chasseurs était un
grand homme d'une quarantaine d'années, ses vêtements
de couleur vert pâle reflétaient la couleur de ses
yeux, verts et pleins de sagesse. Ses cheveux, longs, blanc argenté
comme ceux d'Amara, étaient attachés et lui arrivaient
un peu en dessous de la nuque. Ses bottes de cuir rouge ne faisaient
aucun bruit quand il marchait. Le chef avait dressé sa
tente au centre du campement. Les autres, par habitude, avaient
planté la leur en cercle autour de celle-ci.
La troupe comportait une centaine de personnes, essentiellement
des hommes, mais il-de-loutre ne pouvait s'empêcher
d'admirer les grandes chasseuses. Habillées comme le reste
de la troupe, leurs vêtements serrés mettaient en
avant leur corps, parfaitement entretenu par un entraînement
physique quotidien. Les chasseuses laissaient leurs longs cheveux
tomber sur leurs épaules.
Trois
jours plus tard, une grande agitation régnait dans le village,
on installait des tables le long des rues, on installa quelques
banderoles aux murs des maisons. La grande foire était
sur le point de commencer. Les pèlerins vinrent installer
leurs marchandises. Vers midi, la foire fut déclarée
officiellement ouverte. Les festivités commencèrent.
il-de-loutre
et sa famille se rendirent au village, parcourant les allées
de la foire. La jeune fille dévorait tout des yeux. Curieusement,
on n'entendait pas de grands cris des marchands et acheteurs,
on admirait les produits exposés sur les tables. Certains
chasseurs avaient sortis leurs instruments de musique. Ils jouaient
tous le même air, on entendait seulement le changement de
l'instrument d'un étalage à l'autre. Ils jouaient
en même temps avec un parfait accord. D'autres artisans
peignaient ou sculptaient.
il-de-loutre
s'arrêta devant un des étalages et effleura les petites
statuettes du bout des doigts. Les petits animaux étaient
sculptés dans un bois sombre, presque rouges. Elles étaient
polies et vernies avec soin, tous les détails apparaissaient.
Certaines même étaient peintes, avec des couleurs
vives et réalistes.
La jeune fille s'agenouilla devant l'étalage afin d'être
à la hauteur des objet. Elle n'osait les toucher, de peur
d'abîmer de si jolies choses. Un long moment plus tard,
l'homme qui était assis de l'autre côté de
la table parla : " Eh bien mademoiselle ? "
il-de-loutre sursauta. Elle se releva et s'excusa. L'homme,
le visage joyeux, la regarda. Il lui dit d'approcher. La jeune
fille, de nature réservée et prudente, hésita
un moment. Puis la curiosité l'emporta. Elle contourna
la table et s'approcha de lui. Il la dévisagea et lui dit
: " Je t'ai aperçue plusieurs fois cette semaine,
autour du campement. " L'enfant s'excusa encore, assurant
qu'elle ne voulait pas espionner. Mais le sculpteur ne semblait
pas offensé. Il lui demanda ce qu'elle pensait des petites
statues, elle répondit que c'étaient de véritables
uvres d'art, qu'elles étaient magnifiques. Pendant
qu'ils discutaient, il-de-loutre s'était assise sur
une marche, à quelques mètres de l'homme, distance
qu'elle jugeait raisonnable, on n'est jamais trop prudent, comme
lui disaient sans cesse ses parents. Il lui posa quelques questions
sur elle-même auxquelles elle répondit sincèrement
mais sans trop donner de détails. Elle lui parla de sa
jeune sur, racontant leur rencontre. Elle raconta aussi
l'attaque des loutres telle que lui avait raconté sa mère.
L'homme semblait réfléchir. Il lui dit de partir
et lui donna rendez-vous le lendemain, au même endroit.
Elle prit congé et le remercia vivement.
Elle
continua à flâner longuement le long des allées,
écoutant la douce musique qu'ils jouaient, elle état
si belle, si calme. Elle lui faisait penser à la fois à
l'eau d'un ruisseau qui coulait dans une forêt endormie,
et à la beauté des fleurs dévoilant leurs
pétales au printemps. La musique était lente et
joyeuse.
il-de-loutre leva la tête et aperçut Amara
et ses parents, ils l'appelèrent. Une odeur sucrée
parvint aux narines de la jeune fille : sur la place, les boulangers
du village avaient étalé un large choix de pains,
gâteaux et viennoiseries. Amara, qui était barbouillée
de chocolat, finissait une gaufre.
Sa grande sur rit en la voyant comme ça, sortit un
mouchoir de sa poche et frotta le menton de la fillette. Puis
elle s'acheta elle aussi une gaufre au chocolat qu'elle dégusta
assis sur le rebord de la fontaine.
Le Tofu d'Amara, qui avait grandi, était maintenant gros
comme le point d'il-de-loutre ; il se tenait sur son épaule.
Alors qu'elle portait la gaufre à sa bouche, l'oiseau sautilla
le long de son bras et se mit à picorer le chocolat. Toute
la famille rit de bon coeur devant le spectacle.
Puis la nuit tomba et ils rentrèrent à la ferme.
Ce
soir-là, il-de-loutre rêva de voyages, de chasse
et de statuettes de bois.
Le lendemain matin, elle se leva tôt, excitée par
les évènements.
Ne sachant pas quoi faire, elle sortit sans bruit et alla se promener
en forêt. Elle cueillit un gros bouquet de fleur pour sa
maman puis rentra, ouvrit les volets de la cuisine et se lança
dans la préparation d'une tarte aux myrtilles. Amara et
ses parents furent tirés du lit par la bonne odeur de la
tarte qui cuisait dans le four.
Ils prirent ensemble un gros petit déjeuner puis il-de-loutre
et Amara embrassèrent leurs parents et sortirent.
Les
deux jeunes filles marchaient joyeusement, se tenant par la main.
En chemin, il-de-loutre raconta sa rencontre avec me sculpteur.
Amara écouta attentivement.
Quand elles arrivèrent devant l'étalage, le sculpteur
était déjà là. Il sculptait une statue
plus grande que les autres, elle lui arrivait aux genoux, on n'en
distinguait que la tête qui faisait penser à un dragon.
L'homme les salua, il-de-loutre reprit sa place sur la marche
de pierre et Amara s'assit à côté d'elle.
Tout aussi réservée que sa sur, elle ne dit
rien, se contentant d'écouter. Il leur proposa de leur
raconter la légende qui était à l'origine
des statuettes ; les filles approuvèrent d'un vif signe
de tête. Il raconta que, intérieurement, chaque personne
était habitée par l'âme d'un grand animal,
que l'animal donnait le caractère de la personne, ses goûts,
ses choix et ses émotions, c'était en quelque sorte,
un totem personnel, lié à chaque personne.
il-de-loutre ne put s'empêcher de penser aux livres
qu'elle avait lus a la bibliothèque, ceux qui parlaient
d'indiens et de leurs totems.
Le sculpteur poursuivit, son symbole à lui était
le crabe. Leur chef, lui, portait le totem du Draguf éveillé
qui symbolisait la puissance, la sagesse, l'agilité mais
aussi un esprit jeune et enfantin, curieux et peu prudent.
Le chef, par son autorité et la puissance qu'il inspirait,
pouvait défendre à lui seul le campement. Les chasseurs,
bien que pacifiques, savaient se défendre en cas de danger.
Ils se servaient de leurs arcs qui avaient autant d'effet sur
de gros animaux que sur des humains, plus le nombre de flèches
envoyées est élevé, plus le somnifère
est puissant et durera longtemps, laissant a la troupe le temps
de partir avant de subir une nouvelle attaque.
Midi
sonna au clocher du village. Le sculpteur finit de parler et demanda
aux deux surs de tendre la main. Elles s'exécutèrent
et il déposa un petit paquet sorti de sa grande sacoche
dans la main de chacune des deux jeunes filles.
Elles regardèrent les cadeaux, étonnés puis
les ouvrirent. il-de-loutre, en voyant l'objet remercia
le sculpteur en rougissant. Elle caressa la statuette de bois.
C'était un petit animal, une loutre
l'animal de la
statuette dormait paisiblement sur un rocher. La jeune fille fut
interrompue dans sa contemplation par l'exclamation d'Amara. Sa
statuette était faite d'un bois plus clair, ce qui lui
permettait d'être peinte. Elle représentait un oiseau
aux ailes de flammes, il était représenté
sur une branche, les ailes le long du corps, les yeux fermés.
De jolies couleurs rouge-orangé coloraient l'oiseau, la
branche était brun sombre avec de grandes feuilles vertes.
L'homme leur expliqua que le kwak était le symbole de la
magie des quatre éléments. Amara, qui ne croyait
pas à la magie, quelle qu'elle soit, se mit à rire.
Elle s'approcha du sculpteur et lui colla un gros bisou sur la
joue pour le remercier.
Le sculpteur se remit à travailler en sifflotant, les jeunes
filles regardaient le dragonnet prendre forme dans le gros bloc
de bois. Un peu plus tard, les deux surs se retirèrent,
remerciant encore le sculpteur.
La
journée était chaude, elles s'arrêtèrent
devant une petite fontaine et jouèrent, s'arrosant et riant.
Amara rentra pour se sécher tandis qu'il-de-loutre
continuait à observer ces étranges personnages.
La jeune fille alla s'asseoir sous un arbre, sur la place et sortit
un livre de sa sacoche. Elle se mit à lire, séchant
au soleil, écoutant le bruit de l'eau à la fontaine,
celui des instruments qui jouaient.
Vers 13h ce jour là, il-de-loutre se dirigea vers
l'étalage de la boulangerie et s'acheta de quoi manger.
Elle retourna sur la place et vit qu'une nouvelle table avait
été installée. On pouvait lire sur la banderole
: " Chaque année, des chasseurs nous quittent. Si
nous ne les remplaçons pas, la troupe des Chasseurs-Pèlerins
pourrait cesser d'exister
Venez assister aujourd'hui à
la confection d'un nouvel arc. Nous chasserons toute cette saison
sur les terres d'Amakna. Chaque personne est libre de venir nous
trouver afin d'apprendre l'art de la chasse et, qui sait, la vie
de pèlerin. "
il-de-loutre, le cur battant, observa longuement la
banderole, la relut plusieurs fois et se mit à rêver.
Elle s'imaginait en train de courir dans la forêt, son arc
sur l'épaule, sa sacoche autour de la taille. Ses yeux
brillaient, elle se mit à rire légèrement,
un désir puissant la submergea lorsqu'elle effleura du
doigt la statuette, dans sa poche : elle voulait vivre cette vie,
chasser et voyager, découvrir le monde.
La foule se massait autour de l'étalage et il-de-loutre
dût se rapprocher pour regarder à son aise.
Le chef des chasseurs arriva. L'enfant, impressionnée,
pensa qu'il était grand et majestueux, sa ceinture de cuir
rouge serrait sa taille, des muscles délicats saillaient
sous ses vêtements.
Il se présenta et sortit son matériel : un long
bâton de bois souple, légèrement recourbé
; une ficelle de lin, fine, résistant et un peu élastique
; de nombreux couteaux, pour sculpter le bois ; et de la peinture.
il-de-loutre admira l'archer qui travaillait le bois, elle
se concentrait, observant chaque geste qu'il effectuait. Quand
l'arc fut fini, plus de deux heures plus tard, Elle resta là,
regardant pensivement l'objet qui était né des mains
du chasseur. Puis elle rentra chez elle. Ce soir-là, elle
ne raconta pas sa journée, son rêve de devenir chasseuse
était trop récent, trop incertain pour être
mis à nu devant d'autres personnes. il-de-loutre
voulait le garder pour elle jusqu'à ce qu'elle soit sûre
de sa décision et surtout, sûre d'être admise
parmi les chasseurs
Le
reste de la semaine, la jeune fille ne se montra guère
au village, elle restait avec sa famille ou dans la forêt,
à observer les animaux, les plantes. Le soir, elle se rendait
à proximité du campement et se postait sur une branche
basse, cachée par les feuillages. Elle observait les pèlerins
quand ils rentraient de la foire. Certains rangeaient pendant
que d'autres allumaient un grand feu au centre du camp. Puis ils
s'installaient autour du feu et mangeaient. Toujours calmes, ils
parlaient doucement.
A la fin du repas, ils chantaient, comme un rituel, une prière
quotidienne.
La première fois qu'elle les entendit il-de-loutre
fut impressionnée par leur timbre de voix, ils chantaient
avec un parfait accord, on aurait pu dire que leur voit montait
directement du feu de camp, au centre du cercle.
Puis, au fur et à mesure, l'enfant s'intéressa aux
paroles du chant. C'était le même air que les pèlerins
jouaient sur leurs instruments mais ils ne l'avaient jamais chanté
à la foire. La chanson était longue. La jeune fille
entendit 6 couplets différents, chaque soir, la troupe
chantait trois couplets et trois fois le refrain. il-de-loutre,
à force de l'entendre, retint la chanson, les paroles s'inscrivirent
dans son esprit et ne la quittèrent plus. Elle fredonnait
la chanson régulièrement.
Quand
elle retourna à la foire, celle-ci était presque
finie. Il restait trois jours, et les produits se faisaient plus
rares. Les chasseurs, comme à leur habitude, jouaient leur
chanson. Quand ils entamèrent le refrain, il-de-loutre
se lança et se mit à chanter
sa voix était
claire et juste. Tous les regards se tournèrent vers elle.
Le refrain terminé, elle se tut. Une sorte de pressentiment
l'empêchait de continuer. Le chef des chasseurs la regarda
longuement puis il partit. il-de-loutre regarda autour d'elle
et rougit légèrement en voyant que tout le monde
la regardait. Elle leur sourit calmement et continua à
parcourir la rue ; elle alla s'asseoir près de la fontaine
et reprit son livre. La jeune fille lut une grande partie de l'après-midi
et rentra dans la soirée. Elle ne sortit pas et chanta
la chanson à sa famille, sans leur dire pour autant d'où
elle provenait.
Quelques jours passèrent, la foire se termina sur l'ouverture
de la saison de chasse. Le soir, comme à leur habitude,
les chasseurs s'installèrent près du feu. il-de-loutre,
heureuse, ne put s'empêcher de fredonner la chanson en même
temps qu'eux. Comme hypnotisée par le chant, elle s'approcha
lentement. Le sculpteur l'aperçut et l'appela. La jeune
fille prit peur et ne bougea pas. Il l'appela encore. il-de-loutre
songea a s'enfuir mais une fois de plus la curiosité l'emporta.
Elle s'avança lentement vers le groupe. De près,
elle vit qu'une bonne partie des chasseurs et chasseuses était
très jeune. Impressionnée, elle ne parla pas. Le
sculpteur s'écarta et la pria de s'asseoir. il-de-loutre,
toute timide, s'exécuta. Elle chercha des yeux le chef
et l'aperçut, de l'autre côté du feu, elle
croisa son regard qui l'observait. A côté de lui,
un jeune garçon. Il semblait avoir une dizaine d'années,
et était le portrait exact du chef des chasseurs. Ce devait
être son fils. Malgré son jeune âge, il arborait
un air sérieux et concentré. Ses traits, fins et
bien dessinés, ne laissaient paraître aucune émotion.
Les
chasseurs se remirent à chanter, les arbres encerclant
la clairière faisaient légèrement résonner
les voix, donnant plus de force au chur. Au bout de quelques
phrases, il-de-loutre prit un peu d'assurance et mêla
sa voix à celles des chasseurs. La chanson résonnait
dans sa tête alors qu'elle chantait. Ils chantèrent
la chanson en entier, la jeune fille ne se trompa pas une seule
fois. Une fois la chanson finie, le chef se leva et contourna
le feu, il lui fit signe d'approcher. Celle-ci s'avança
et leva les yeux vers cet homme qui l'impressionnait. Le grand
chasseur lui sourit et lui demanda pourquoi elle s'intéressait
tant à eux ; il-de-loutre lui répondit maladroitement,
elle lui dit qu'après avoir lu tout ce qui se disait sur
eux et après les avoir observés, elle les admirait.
Elle aimait l'art, chanter, dessiner, peindre
, et les animaux,
les voyages
Le chef prit la parole :
" Je t'ai vue lire et relire la banderole
ça
te plairait de participer à cette saison de chasse, n'est-ce
pas ? Il faudra t'entraîner beaucoup, ce n'est pas facile.
Tu pourras rentrer chez toi chaque soir, tu décideras à
la fin de la saison si tu désires rester avec tes parents
ou venir avec nous. Je te préviens, la vie sur la route
n'est pas toujours facile. " il-de-loutre resta un
moment silencieuse. Elle dit avec hésitations qu'en effet
ça lui plairait beaucoup mais qu'il fallait qu'elle en
parle avec ses parents. Le chef lui demanda de revenir le lendemain
dans la soirée, les chasseurs allaient passer l'après-midi
à déterminer le terrain de chasse et le type d'animaux
du coin.
La jeune fille le remercia respectueusement et rentra chez elle.
Quand elle arriva, Amara était déjà couchée.
Ses parents s'inquiétaient de l'heure tardive à
laquelle leur fille rentrait. il-de-loutre leur raconta
tout, du début, quand les chasseurs étaient arrivés,
jusqu'à la fin, cette soirée si particulière.
Elle dit qu'elle avait vraiment envie de vivre cette aventure.
Ses parents, comprenant qu'elle considérait ça comme
l'occasion pour sa vie de changer, lui accordèrent de la
laisser partir si elle le désirait. Elle avait encore deux
mois pour y réfléchir, mais ils savaient tous les
trois qu'il-de-loutre avait pris sa décision, elle
partirait.
Quand elle alla se coucher, tard dans la nuit, Amara dormait dans
son lit. il-de-loutre se glissa sous les couvertures tout
contre sa petite sur et la prit dans ses bras. Amara gémit
dans son sommeil et se blottit contre la poitrine de sa sur.
Elles se réveillèrent ainsi enlacées, le
lendemain matin. il-de-loutre raconta toute l'histoire des
Chasseurs-Pèlerins à Amara et la serra fort contre
son cur en lui annonçant qu'elle allait partir. Amara
fondit en larme et serra encore plus fort sa grande sur,
tout en sanglotant
elle se calma peu à peu et se
rendormit sans rien dire
Il était encore tôt,
il-de-loutre se rendormit à son tour, le cur
gros.
Le
soir, après le dîner, il-de-loutre sortit et
se rendit au campement. En la voyant arriver, le chef se leva
et l'invita à les rejoindre. Elle lui dit que ses parents
étaient d'accord et qu'elle passerait la saison de chasse
avec eux s'ils le voulaient toujours. Les chasseurs applaudirent
poliment puis firent le silence. Le chef se présenta et
invita la jeune fille à faire de même. Ensuite, chacun
des chasseurs et des artisans se présentèrent brièvement.
Le chef lui demanda ce qu'elle savait faire et ce qu'elle aimerait
apprendre. Il lui expliqua que tous étaient à la
fois chasseur et artisan.
il-de-loutre, mis à part la chasse, voulait apprendre
à sculpter le bois, afin de se confectionner un arc et
un instrument de musique. Elle savait peindre et dessiner, jouer
de la flûte.
L'entraînement dura trois semaines durant lesquelles elle
apprit les bases de ce qu'elle devait savoir. Le chef fut son
" instructeur " ainsi qu'à trois hommes du village.
Elle commença par apprendre les bases de la chasse, elle
se perfectionnerait avec le temps et beaucoup de pratique. Elle
commençait à sculpter avec plus de précision
de jolis motifs sur des planches en bois. Elle apprit que pendant
les saisons de chasse, la chasse s'effectuait le matin, l'artisanat
l'après-midi. Elle se perfectionnait avec le maître
sculpteur qui lui enseignait patiemment son art. Elle devait acquérir
une parfaite connaissance de chaque bois, de chaque outil, de
chaque couleur. L'après-midi, il-de-loutre s'entraînait
pendant plusieurs heures sur des cibles mouvantes, immobiles,
agressives, calmes
etc. puis elle s'appliquait à reproduire
un dessin qu'on lui montrait avant de confectionner son propre
dessin à partir d'animaux empaillés. La jeune fille
maîtrisait aussi bien l'arc que le crayon et le pinceau.
Elle était habile et visait juste. Elle ne ratait que rarement
la cible qu'elle visait. Les travaux dans les champs avaient musclé
ses bras, aussi arrivait-elle parfaitement à manier le
grand arc qui lui avait été donné. il-de-loutre,
étant plus jeune, lisait beaucoup et s'amusait parfois
à copier les illustrations des livres, s'habituant ainsi
au dessin, elle prenait beaucoup de plaisir à dessiner
minutieusement chaque détail des animaux qu'on lui proposait.
Le
soir la jeune fille racontait avec entrain ce qu'elle faisait
de ses journées. Amara devenait plus triste au fur et à
mesure que le temps passait
Au bout des trois semaines d'entraînement, il-de-loutre
commença à partir à la chasse. Elle captura
et dessina plusieurs petits animaux qu'elle relâcha ensuite
toujours avec douceur, Bouftons, Larves, Araknes et Tofus
Chaque animal était différent et elle dessinait
différemment chacun d'eux, dans un autre lieu, une autre
position. Elle commença aussi la confection d'un arc de
bois taillé et sculpté. Elle y travaillait soigneusement,
avançant millimètre par millimètre choisissant
avec soin chaque motif qu'elle reproduisait à la lettre.
Elle confectionna ensuite deux simples flûtes en bois, identiques,
qu'elle peignit d'un bleu égalant la couleur du ciel, la
couleur préférée d'Amara
Puis
vint le jour du départ
il-de-loutre passa le
week-end chez elle avec sa famille. Elle offrit la deuxième
flûte à sa jeune soeur, lui disant de penser fort
à elle quand elle en jouerait, elle lui apprit ensuite
la chanson des chasseurs. Puis elle partit, s'efforçant
de ne pas se retourner, malgré les larmes de la fillette.
Amara pleura beaucoup le départ de l'être qui était
pour elle le plus cher au monde : sa grande sur qui occupait
toute la place dans son cur.
il-de-loutre, bien qu'étant heureuse d'enfin pouvoir
vivre son rêve, était triste et culpabilisait un
peu d'avoir abandonné sa famille et sa toute jeune sur.
Elle écrivit souvent chez elle, de longues lettres, envoyant
sa nouvelle adresse à chaque fois qu'elle s'arrêtait
pour une saison de chasse. Elle détaillait ses activités,
ses progrès, et demandait des nouvelles de sa famille et
du village.