Il
y a une vingtaine d'années, dans le port d'Amakna, accosta
un navire de pirates sanguinaires. Les marchands du port reconnurent
le bateau à sa voile noire.
Les pirates écumaient les mers depuis de nombreuses années,
pillant les ports et tuant les marins. Il était même
raconté qu'ils possédaient les connaissances d'autres
mondes, d'îles lointaines et inconnues.
Un messager fut envoyé au roi d'Amakna afin d'annoncer
la décision des pirates de s'installer dans un petit
village du bord de mer.
Il annonça mystérieusement que si le village n'était
pas désert d'ici la fin de la soirée, quelqu'un
serait sacrifié
Le roi, ne comprenant pas les paroles du messager, convoqua
les habitants de ce petit village maritime, afin de discuter
avec eux de la situation.
Après une longue discussion, une décision fut
prise : les marins firent leurs bagages et allèrent s'installer
dans les diverses auberges du village.
Peu
après, un homme apparut à l'entrée du village.
Des chuchotements effrayés se faisaient entendre sur
son passage. En effet, on reconnaissait les démons a
la tunique noire et a la marque significative de leur cape
Or, de grandes ailes rouges étaient brodées au
dos de la cape de l'inconnu...
Peu à peu, les rues du village se vidèrent, les
volets et les portes se refermèrent sur les habitants
effrayés.
L'homme portait dans ses bras un étrange tas de tissus,
la couleur orangée de l'étoffe contrastait avec
les vêtements sombres du démon.
Ce dernier continua sa marche, progressant lentement dans le
village. Sa démarche, à la fois lourde et majestueuse,
imposait le respect et la terreur
sentiment étrangement
mêlé d'une sorte d'admiration
Un silence total s'était installé dans le village.
Les Pious ne chantaient plus, même le clapotis de l'eau
de la fontaine semblait muet
L'homme avança lentement jusqu'à la fontaine.
Certains affirment avoir entendu, sous la capuche recouvrant
d'ombre le visage de ce sombre personnage, une voix froide et
dénuée de sentiments qui murmurait des mots, dans
une langue étrangère. Comme une effroyable prière,
ou plutôt une incantation
D'autres affirment avoir
vu une lumière rouge, symbole de la magie tirée
des Portes de l'Enfer, magie capable de faire surgir de nulle
part les pires flammes de cet Enfer, entrer dans le paquet que
le démon tenait dans ses bras.
Après avoir déposé délicatement
le mystérieux objet, l'homme quitta la place, continuant
à marcher dignement, regardant droit devant lui.
De
longues minutes passèrent, le silence, épais,
lourd, comme empli d'une menace, ne se dissipait pas. Personne
n'osait bouger.
Quelques instants plus tard, des pas se firent entendre. Le
claquement de sabots de bois sur les pavés de la place
se rapprochait. Puis, à la surprise des habitants, une
voix enfantine s'éleva, claire et joyeuse, raisonnant
gaiement dans le silence impénétrable du village.
Les habitants écoutaient, retenant leur souffle. A leur
plus grande surprise, regardant entre les lames de leurs volets,
ils aperçurent une fillette qui marchait, sautillant
joyeusement dans la rue, son petit panier se balançant
au bout de son bras. Elle chantait, ses cheveux volaient autour
de son visage innocent, entraînés par la bise printanière,
sa robe légère tournoyant au rythme de sa joyeuse
marche.
Les
habitants la connaissaient comme étant la fille unique
d'un couple vivant dans une ferme, retirée dans la forêt,
un peu à l'écart du " centre ville ".
La fillette avait six ou sept ans et venait régulièrement
jouer dans le village. Elle avait acquit le surnom d'Oeil-de-loutre
après qu'un groupe de loutres sauvages s'en soient pris
à elle et l'aient blessée. L'enfant avait une
discrète cicatrice près de l'il droit.
Elle était aimable et polie, très bien élevée.
Ceux qui la connaissaient pouvaient dire que c'était
une petite fille curieuse, résolue et têtue. Elle
n'était pas capricieuse, loin de là, mais quand
elle avait une idée en tête, rien ni personne ne
pouvait plus la détourner de son but. Elle était
très intelligente et son esprit était vif pour
son âge. Tous ces détails faisaient d'elle une
enfant adorable, aimée de tous.
La
fillette s'installa près de la fontaine, à genoux
par terre et sortit ses jouets : une poupée et de minuscules
récipients en porcelaine. Alors qu'elle se levait pour
remplir une petite tasse avec l'eau de la fontaine, son attention
fut attirée par le long paquet d'étoffe orangée.
Dans les maisons, les habitants retenaient leur respiration,
ils étaient plongés dans une sorte d'excitation
euphorique. Admirant l'insouciance d'il-de-loutre, ils
étaient comme envoûtés par la scène
qui se déroulait sous leurs yeux.
Elle s'approcha lentement et s'agenouilla près du paquet.
Celui-ci, sur toute sa longueur, mesurait un peu plus d'un mètre,
ce que l'on avait du mal à distinguer dans les bras de
l'homme Sombre. La fillette défit avec soin le paquet,
déroulant soigneusement le morceau de tissus.
Ce
que l'on découvrit produisit un tel effet de surprise
que l'on accouru de toute part, déverrouillant les portes
et les volets.
Bientôt une masse compacte de curieux s'était assemblée
autour de la fontaine. On poussait des soupirs de soulagement
et d'émerveillement.En effet, enroulée dans la
grande cape orangée, une petite fille était allongée.
Toute mince, elle était vêtue d'un simple pagne
fait d'une fourrure de couleur blond clair. Sa peau était
claire et ses cheveux blancs brillaient d'un éclat argenté.
Un minuscule Tofu dormait, blotti contre son cou. L'oiseau et
l'enfant dormaient tous les deux d'un sommeil profond et paisible.
Le soleil éclairait la scène, lui donnant un aspect
presque magique, merveilleux.
L'enfant pouvait avoir deux ou trois ans.Les parents d'il-de-loutre,
voyant que cette dernière ne rentrait pas, se rendirent
au village
Une fois sur la place, ils se faufilèrent
dans la foule et poussèrent un petit cri de surprise
en découvrant la scène. Leur petite fille allongée
sur la cape, près de " l'enfant trouvée ".
Dispersant l'attroupement de badauds, le couple se pencha sur
l'enfant. Quelque chose était accroché autour
de son cou ; en s'approchant, on distinguait trois petites clés
de formes bizarres. Sur chacune des trois clés, la même
inscription revenait : Amara.
La femme, en saisissant les petites clés, réveilla
le Tofu endormi. Celui-ci, en piaillant avec entrain, mordilla
légèrement l'oreille de la petite fille. Elle
se réveilla. Elle s'assit sur la cape et prit l'oisillon
dans ses mains. Elle regarda les gens penchés au dessus
d'elle avec des yeux ronds. Elle se frotta les yeux et posa
le Tofu à coté d'elle. Lorsqu'on lui demanda si
Amara était son prénom, la fillette hocha la tête
affirmativement.
Une femme voulut s'approcher d'Amara mais celle-ci s'accrocha
au cou de la fillette qui était assise à côté
d'elle. Une personne demanda qui allait s'occuper de l'enfant
trouvée. Le couple déclara qu'ils allaient l'habiller
et lui donner à manger, ils la conduiraient ensuite au
roi.
C'est ainsi que la petite Amara rejoignit la ferme.
Alors
qu'ils se rendaient au château afin de présenter
Amara au roi, la famille rencontra une femme. Vêtue d'une
longue cape bleue, elle paraissait avoir une soixantaine d'années.
La femme s'approcha d'Amara et la dévisagea. Elle regarda
tour à tour Amara et sa famille adoptive. Puis tout en
regardant les parents, elle posa la main sur la tête d'Amara
et leur annonça : " L'enfant aura un grand avenir
" Puis elle se retourna et partit en marmonnant des paroles
incompréhensibles.
L'entrevue avec le roi fut brève, ayant d'autres soucis
en tête il leur conseilla l'orphelinat du village dans
le cas où ils ne voudraient pas garder la fillette.
Amara
entra donc dans la ferme en tant que membre de la famille.
Le lien qui s'était créé entre les deux
fillettes à leur rencontre se renforça, elles
s'aimaient comme deux surs et ne se quittaient plus. Amara
et il-de-loutre grandirent, heureuses.
La famille n'était pas très riche mais vivait
avec une immense joie de vivre. La ferme résonnait de
rires et de bonheur. Les deux fillettes jouaient, aidaient parfois
leur père dans les champs ou leur mère dans la
cuisine, à faire des gâteaux, ou du pain.