CHAPITRE
13 : L'enlèvement
Ce
soir là, Misugi proposa à Amara d'aller s'entraîner
sur la plage. Amara accepta l'idée et ils se rendirent
jusqu'au bord de l'eau. Misugi posa un genou à terre et
observa le sable. Avant de se relever, il trempa sa main dans
l'eau et éclaboussa un petit tas de sable qu'il avait vu
remuer, Amara recula en voyant un gros crabe en sortir. Le crustacé
avait une énorme pince, démesurée par rapport
à la taille de l'animal. La jeune fille songea qu'il aurait
facilement pu tuer un jeune bouftou en quelques coups de pince.
Amara, occupée à détailler l'étrange
animal, réagit enfin et appela le feu à elle ; elle
fut surprise en sentant la résistance du crabe. Son épaisse
carapace le protégeait du feu. La jeune apprentie fixa
son attention sur les petites mandibules qui entouraient sa "
bouche ". Là, la chair tendre n'était pas recouverte
de carapace. Au bout de quelques minutes, le monstre " implosa
" et bientôt, il ne resta qu'un petit tas de cendres
qui se mêlaient au sable, sous la carapace intacte, ainsi
que la massive pince. Elle ramassa la carapace et la pince et
les fourra dans son sac à dos.
Ils s'amusèrent pendant un long moment, s'éclaboussant
entre eux, exterminant les crabes et courant sur la plage.
Puis
le jour commença à baisser, ils se promenèrent
en silence sur la plage, main dans la main.
- Je n'aime pas cette histoire, à propos de Keazou
Amara s'attendait à ce qu'il parle de ça, elle resta
silencieuse.
- Je repensais à cette prophétie
- Tu crois qu'elle a quelque chose à voir avec cette histoire
?
- Je n'en sais rien, mais les dragufs
- Que sont les dragufs ?
- Des animaux, on raconte que ce sont des bébés
dragons qui ont été ensorcelés pour garder
à jamais leur état de bébé. Si l'on
prend soin de les éviter, ils nous laissent tranquille.
Et les bworks
ces créatures sont tellement bêtes
qu'il ne songeraient jamais à attaquer qui que ce soit.
Ils préfèrent s'amuser et errer dans leur village
à la recherche de quelque d'objets sur lesquels abattre
leur massue !
- Mais alors, comment expliquer les blessures de ce garçon,
Keazou ?
- C'est là que je repense à la prophétie,
si le maître du mal est aussi puissant que toi
- Que faudrait-il faire pour l'arrêter ? Demanda Amara dans
un élan de courage.
- Je n'en ai aucune idée malheureusement. Allons nous coucher,
nous essayerons d'en apprendre d'avantage demain.
- Ecoute, chuchota Amara.
Misugi tendit l'oreille mais ne perçut aucun son.
- Je n'entends rien, qu'est-ce que
- Justement, regarde les vagues, aucun bruit
et le vent
dans les arbres là bas ? Tu ne trouves pas ça bizarre
?
-
Oh ! Non !! Viens !
Il lui agrippa fermement le bras et l'entraîna jusqu'au
cimetière. Il l'attira jusqu'à l'intérieur
d'un caveau de pierre où ils se cachèrent derrière
une grande pierre tombale. Dans le noir total, Amara jetait tout
autour d'elle des regards effrayés, luttant pour ne pas
céder à la panique. Ils s'assirent par terre, Amara
se recroquevilla sur le sol de pierre froide. Misugi la maintint
contre lui et murmura :
- Ne fait aucun bruit, surtout ne bouge pas. Je t'expliquerai.
Ils attendirent sans bouger, les minutes qui s'écoulèrent
leur semblèrent être les plus longues de leur vie.
Rien ne se passa. Misugi chuchota :
- Des démons
leur magie est si maléfique qu'elle
crée une atmosphère lourde, étouffant chaque
bruit. Parfois même, quand ils sont nombreux, un orage éclate,
des nuages s'entassent, menaçants dans le ciel, le brouillard
se lève
- Mais que
- Chut !!!
Soudain,
des voix au dehors. Amara ne put réprimer un violent frisson
d'horreur, un léger gémissement s'échappa
de ses lèvres.
Tout aussi soudainement, ils entendirent un grincement puis un
claquement métallique. Les deux jeunes gens ne voyaient
rien à partir leur cachette, mais ils songèrent
à la porte du caveau : une grille de fer forgé
- Il est là ! Cria une voix au dehors.
- Amara, ne bouge surtout pas, murmura Misugi.
- Non ! Reste ! C'est moi qu'ils cherchent
gémis
la jeune fille, paniquée.
- Je t'aime Amara.
Il se leva lentement et fis face aux démons, quatre d'entre
eux avaient pénétré dans le caveau.
- Je suis là, je vous attends. Déclara-t-il d'une
voix forte, qui ne tremblait pas.
Malgré
les circonstances, Amara ne put s'empêcher de ressentir
une bouffée d'amour profond mêlé d'admiration
pour le jeune homme.
Elle murmura d'une voix à peine audible pour elle-même.
- Je t'aime
Une
silhouette s'avança vers Misugi qui ne bougea pas. Il se
concentra et l'homme poussa un glapissement de douleur.
- C'est tout ce que tu peux faire ? Ricana-t-il sinistrement.
Mais cette fois-ci, ce n'est pas un démon, mais quatre
qui s'avancèrent vers lui. Misugi recula d'un pas et trébucha
dans l'ombre.
Amara
reprit ses esprits en entendant un bruit mat sur la paroi du caveau.
Oubliant les démons, elle se traîna jusqu'à
l'endroit d'où provenait le bruit. Elle toucha enfin le
bras de son ami et s'approcha de lui. Elle gémit en touchant
la tête de Misugi, elle en retira une main couverte de sang.
Sang qui maculait déjà le sol, tout autour du jeune
homme
Les
quatre hommes la regardaient, visiblement surpris.
Amara, aveuglée par la haine, fixa le seul démon
qu'elle distinguait à la lumière de la lune filtrant
entre les barreaux de la grille métallique. Elle le brûla
cruellement avant de se jeter sur lui et de le rouer de coups,
toujours concentrée sur les brûlures qu'elle lui
infligeait. L'homme hurla de toutes ses forces et tomba à
terre, il eut quelques sursauts et cessa de bouger. Amara s'effondra
sur lui, sans forces.
Deux
d'entre eux la ceinturèrent et l'attachèrent avec
de solides cordes.
- Occupez-vous du garçon.
Après une minute de silence, le démon se releva
et annonça :
- Il est mort.
Amara hurla de toutes ses forces malgré son état,
avant de s'évanouir à ces mots,
L'homme s'approcha de son compagnon à terre.
- Laisse-le, elle a du réveiller tout le village à
crier comme ça, on file !
Loulou se réveilla tôt, durant cette horrible nuit.
Le jour n'était pas encore levé. Elle ne savait
rien de ce qui s'était passé cette nuit là.
Somnolant à demi dans la pénombre de sa chambre,
la jeune fille sursauta quand on frappa violemment à la
porte. Elle se leva en grommelant, encore toute endormie.
Elle alla ouvrir la porte.
Elle
ouvrit la bouche en apercevant Maître Tsongor lui-même
devant sa porte, mais il a devança :
- As-tu vu Amara ?
Loulou tourna la tête vers le lit de sa compagne et s'aperçut
seulement de son absence. Elle hocha négativement la tête
avec un air d'incompréhension totale. Elle allait poser
une question, mais cette fois encore le Maître pris la parole
:
- Merci Loulou, nous te tiendrons au courant.
Loulou haussa les épaules, se demandant ce qui se passait.
Elle chassa bien vite ces pensées de son esprit et se remit
au lit. Pensive, elle se rappela un rêve qu'elle avait fait
dans la nuit. Une femme criait. Un étrange pressentiment
lui serra le ventre et elle se demanda quelle était la
part de réalité dans ce rêve. Continuant à
y réfléchir, elle se rendormit.
A
nouveau, bien plus tard ce matin là, Loulou fut tirée
du lit par des coups frappés à la porte. On frappait
doucement, comme de peur de réveiller l'occupante de la
petite chambre. Loulou se leva et alla ouvrir. Cette fois-ci,
la grande Prêtresse était là, le visage fatigué,
comme si elle avait passé une longue nuit blanche, elle
semblait avoir vieilli d'une dizaine d'années en une seule
nuit.
Loulou lui proposa d'entrer.
- Non Loulou, habille-toi vite, le Grand Maître veut te
voir, ce qui se passe en ce moment est très grave.
Loulou
s'habilla le plus vite possible, sans même prendre le temps
de fermer la porte. Elle accompagna la prêtresse jusqu'au
temple. En passant devant une salle, elle reconnut Amagi, accompagné
de deux adultes qui devaient être ses parents. La femme
pleurait, le petit garçon, assis sur une chaise, regardait
fixement dans le vide.
L'homme quand à lui était livide et se tenait au
mur, comme pris de vertiges.
Loulou sentit son cur s'emballer, elle devint très
pâle et se retint au bras de la prêtresse pour ne
pas tomber.
En
arrivant au temple, elle reconnut dans la pièce quelques
personnes parmi les amis de Misugi et Amara. Ils arboraient un
air interrogatif. Bien sûr, aucun d'eux ne pouvaient imaginer,
se dit la prêtresse. Même Keazou était là.
Avec les évènements de ce matin, personne n'y avait
plus pensé, pourtant, il était là, parmi
eux. L'inquiétude se lisait sur son visage.
Loulou s'approcha de lui pour lui demander ce qui se passait,
il allait répondre quand la porte s'ouvrit. Le grand prêtre
s'avança, le silence se fit. Celui-ci avait lui aussi l'air
épuisé et découragé, il tentait de
rester digne mais ses mouvements étaient désordonnés,
il marchait à la façon d'un automate et semblait
complètement ailleurs.
Loulou sentit les larmes lui monter aux yeux, elle se serra contre
Keazou qui la prit doucement dans ses bras.
Maître
Tsongor leur faisait face, promenant dans la pièce, un
regard triste.
Le prêtre se mit à parler, sa voix était étrangement
rauque et tremblante.
Il leur résuma la situation, les cris d'Amara qui avaient
donné l'alerte, les hommes envoyés dans la direction
des cris. Le corps du jeune homme découvert dans le cimetière
-
quand nous sommes arrivés, il était trop
tard
Je pense que Misugi n'a pas souffert
A cette annonce, cris et sanglots envahirent la salle. D'autres
personnes n'ayant pas réalisé ce qui s'était
dit, attendaient, les yeux fixés sur le prêtre.
- Des démons ont attaqué, Misugi a voulu les repousser
pour sauver son amie, les démons l'ont violement poussé.
Sa tête frappant le mur de pierre, il est mort sur le coup
Les
pleurs continuèrent, prenant plus d'ampleur encore sur
ces dernières paroles.
Loulou, tombée à genoux par terre, pleurait doucement
contre l'épaule de Keazou qui la soutenait. Le visage de
celui-ci reflétait la douleur, la haine. Il fixait les
dalles de pierre qui s'étendaient sur le sol, devant lui.
- Nous avons trouvé le corps d'un des démons, il
est mort ce matin suite à ses blessures. En revanche, la
jeune Amara a disparu. Nous avons toutes les raisons de croire
qu'elle est en vie et nous feront tout ce qui est en notre pouvoir
pour la retrouver.
Le prêtre se retira, laissant là les adolescents
dépités, chagrinés. Loulou pleurait, comme
beaucoup d'autres dans la pièce. Keazou la berçait
doucement. Il l'aida à se lever et la ramena dans sa chambre.
Elle s'agrippa à lui quand il voulut la lâcher ;
elle le serra de toutes ses forces en secouant la tête de
gauche à droite, des larmes ruisselant sur son visage.
Keazou continua à la bercer tout en lui parlant doucement
pour la calmer. Quand elle cessa de pleurer, Keazou se leva. Il
la prit dans ses bras et la fit se lever à son tour. Loulou
n'opposa aucune résistance et se laissa guider. Le bras
autour des épaules de son amie, Keazou l'emmena dans la
grande salle où tous les élèves étaient
réunis. Ils s'assirent sur un des bancs et attendirent.
Le grand prêtre recommença son histoire, énonçant
une seconde fois la mort du jeune homme. Loulou ne réagit
pas, elle restait assise sur le banc, sans bouger. Comme elle,
beaucoup ne semblaient pas avoir totalement réalisé
ce qu'ils venaient d'apprendre.
Le
prêtre continua son discours en expliquant la raison pour
laquelle Amara semblait avoir été enlevée.
Il leur raconta la prophétie et tout ce qui se déroulait
depuis quelques tempes, entre autres, les animaux qui devenaient
agressifs et la présence des démons rodant aux alentours
des villages.
-
Misugi en laissant sa vie, a tenté de protéger
l'enfant de la prophétie, et de ce fait, de prévenir
le désastre qui se prépare dans ce monde. Son nom
restera gravé dans les mémoires, ainsi que dans
nos curs.
Tout le monde attendit la suite mais le grand Prêtre se
tut. Peu à peu la salle commença à s'agiter.
Keazou et Loulou se levèrent, au milieu des raclements
de chaises et de bancs.