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CHAPITRE 7 : La prophétie

Ce matin là, le dernier jour de son apprentissage, Amara passa la matinée à se reposer, elle se promena un peu dans les jardins avec Loulou et Misugi. Après le repas, ils montèrent dans la grande salle de magie. Loulou les quitta et se rendit dans une autre salle, un peu plus loin.
- J'aimerai bien essayer, avec toi, de faire fondre la grosse sphère de bronze que je t'ai déjà montré, avança Misugi quand ils furent seuls dans la salle. Je suis presque sûr qu'on peut y arriver, tous les deux.
Amara sourit, la sphère était énorme, ce serait un bon exercice, même si à l'inverse de Misugi elle était pratiquement persuadée qu'ils n'y arriveraient pas.
- Je veux bien essayer.
Ils s'approchèrent de la table.
- On va faire comme pour la première rangée de billes, la première fois que tu as travaillé le métal. Je te laisse faire, mais je suis avec toi. Mon pouvoir donnera plus de puissance au tien.
Amara observa la boule brillante qui était devant elle. Elle ferma les yeux et se concentra longuement. Quand le feu fut prêt, réchauffant doucement son ventre, Amara chauffa le métal.
Misugi se glissa derrière la jeune fille et la prit dans ses bras. Il posa sa tête sur l'épaule d'Amara et croisa les mains sur son ventre. Celle-ci posa ses mains sur celles de Misugi, elle sentait son pouvoir s'accroître. Quand il se serrait contre elle, Amara sentait le cœur de Misugi battre contre son dos.
Il ferma les yeux à son tour, visualisant la sphère déjà rougeoyante.
Au bout d'un moment, l'objet commença à se déformer. Aucun des deux ne voyait le changement mais la boule se mit lentement à fondre. Le métal brûlant grésilla un moment quand la flaque s'étala sur le support isolant. Les deux jeunes gens ouvrirent les yeux. Le bronze commença à durcir.

Amara se retourna vers Misugi. Ses yeux brillaient.
L'exercice n'avait pas duré plus de deux minutes, aucun des deux n'était fatigué. Misugi glissa timidement la main sur le visage d'Amara et lui caressa tendrement la joue. Amara lui sourit, il déposa un baiser sur ses lèvres, les effleurant à peine. Elle rougit légèrement.
Quelques instants plus tard il la prit par main.
- Viens.
Ils sortirent de la salle. Au lieu de se diriger vers l'escalier comme à leur habitude, Misugi l'emmena vers la droite. Au bout du couloir, il y avait un temple. Il fit signe à Amara de l'attendre, il devait aller voir le prêtre Tsongor.
Elle ne pouvait pas entrer dans le temple avant la cérémonie qui se déroulerait lors de la fête donnée en son honneur.
Amara s'assit sur un grand banc de bois et attendit. Misugi parlait avec le Grand Maître, le bruit de la fontaine couvrait les voix, Amara ne distinguait aucune de leurs paroles.
De longues minutes passèrent, puis Misugi sortit du temple. La jeune fille lui lança un regard interrogatif.
- Viens avec moi, je vais t'expliquer.

Il lui reprit la main et l'emmena hors du bâtiment.
Le soleil brillait. Il faisait chaud, une petite brise rafraîchissait agréablement l'air. Misugi et Amara se dirigèrent vers le Zaap. Ils traversèrent et se retrouvèrent entre les grilles du cimetière. Ils allèrent jusqu'au bord du lac et marchèrent silencieusement sur la plage. Arrivés au bout, ils traversèrent une petite arche feuillue camouflée par une grande haie de lauriers en fleurs, les pétales roses contrastaient avec le vert foncé des feuilles.
Derrière, il y avait une petite plage de graviers blancs qui étincelaient au soleil. Ils s'assirent sur la plage, Misugi tendit les bras à Amara qui vint se blottir contre lui.

- Le grand prêtre m'a raconté une histoire tout à l'heure, une vieillie prophétie.
La jeune fille appuya sa tête contre l'épaule de Misugi.
- Raconte-moi.
Il l'enlaça et commença à lui raconter :

- La prophétie parle d'un enfant. Il y a quinze ans, un enfant est né. Au même moment, au fond du labyrinthe, un monstre s'est réveillé. L'enfant possède un des plus grands pouvoirs du monde, les pouvoirs du monstre même ne sont pas aussi puissants. S'il retrouve l'enfant et l'ensorcelle pour en faire son serviteur, ça serait une catastrophe pour notre monde qui ne connaîtrais pas un instant de paix.

Amara se serra plus fort contre le jeune homme qui la berça doucement. Il reprit :

- Par de puissants sortilèges, le père de l'enfant fut ensorcelé par le monstre et entra à son service. Il était devenu un homme cruel et sans cœur, il voulait tuer sa compagne et livrer son enfant à son maître. Celle-ci prit peur et s'enfuit sur un petit bateau marchand, elle abandonna l'enfant sur une île lointaine afin que quelqu'un le retrouve et s'en occupe. Quand elle revint, l'homme la tua sans pitié. Durant deux longues années, il parcourut terres et mers, brûlant tout sur son passage, afin de retrouver son enfant. Les sorts de localisations lancés par les démons ne fonctionnaient pas et il désespérait de le retrouver un jour. Personne ne savait ce qui le poussait à agir de la sorte. Tout ce que l'on savait c'est qu'il voulait son bébé.
En ce moment, on raconte qu'il le cherche toujours.

- Mais… le grand prêtre pense que l'enfant… enfin, pourquoi moi ?
Misugi la prit par la main et, entourant les épaules d'Amara de son bras, il la serra contre sa poitrine.
- Je ne fais que répéter ses paroles. Je ne sais pas quelle est la part de vérité de cette légende.
Amara resta silencieuse, cette histoire lui faisait un peu peur. Elle resta pensive un long moment. Toute l'histoire coïncidait avec sa propre histoire : elle avait été trouvée à l'âge de deux ans, ramenée d'une île lointaine. Et d'après ce qu'on lui avait dit, un démon l'avait déposée sur la place…
Au bout de quelques minutes, elle leva la tête. Elle passa ses bras autour de la taille de Misugi.
- Apprends-moi à chasser des monstres… je veux pouvoir me défendre s'il se passe quelque chose…
- Je t'apprendrai.
Il repoussa une mèche de cheveux qui cachaient le visage de la jeune fille et posa ses lèvres sur son front. Elle ferma les yeux et se laissa bercer. Elle sentait le cœur de Misugi contre sa poitrine. Il posa sa joue contre le front d'Amara et ferma les yeux à son tour. La douce brise caressait leur visage, chacun réfléchissait. Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes.
- Je venais souvent ici quand j'étais petit. Il ne vient jamais personne, c'est ma plage. Elle est toujours ensoleillée, l'eau est chaude, on a une pleine vue sur le coucher de soleil quand la nuit tombe.
Amara se releva, il la suivit et l'enlaça. Mais elle se dégagea doucement.
- J'ai entendu quelque chose.
- Quoi ? Je n'entends rien…

Quelqu'un cria, de l'autre côté des lauriers. Les deux jeunes gens se précipitèrent sur la plage. Plus loin, quelqu'un était allongé sur les galets.
- Non ! Cria Misugi qui semblait avoir reconnu le petit garçon. Ama, va chercher Loulou !

Amara courut jusqu'au Zaap, elle le traversa et en courant vers sa chambre, faillit renverser Loulou qui descendait de la salle de magie. Elle prit Loulou par le bras et l'entraîna jusqu'au Zaap, puis jusqu'au blessé sur la plage.
Loulou s'approcha.
- Amagi ? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Loulou posa ses mains sur le ventre du garçon et commença à murmurer d'étranges mots, des formules magiques. Puis elle fixa les blessures de l'enfant, c'étaient de graves brûlures.
Amara s'était approchée de Misugi.
- C'est Amagi, mon frère.

Quand ils regardèrent a nouveau dans la direction de Loulou, celle-ci se releva. Il n'y avait plus aucune trace de brûlure, Amagi ouvrit les yeux. Son frère s'agenouilla à côté de lui.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Un scarafeuille rouge…
- Hum…
- Je lui avais rien fait, je te jure !
- Il ressemblait à quoi ton scarafeuille ?
- Hum… rouge, avec des ailes jaunes et…
- Je sais ce que c'est un scarafeuille ! Il était…normal ?
- Bah oui ! Amagi venait de s'apercevoir pour la première fois de la présence d'Amara. Coucou !

Il ressemblait beaucoup à son frère mais ses yeux et ses cheveux étaient plus clairs. Il semblait avoir neuf ou dix ans. Il dévisagea la jeune fille puis se releva.
Misugi semblait pensif. Les scarafeuilles étaient des animaux pacifiques et n'attaquaient jamais personne… du moins sous leur forme animale ; et les monstres ne sortaient pas le jour.
- Bon, on va rentrer… Merci Lou, c'est pas que ça m'embête qu'il soit en piteux état mais je voulais savoir qu'est-ce qui l'avait attaqué.
- Bah, ça m'aura fait un entraînement supplémentaire. Au fait Ama, c'était ton dernier jour d'entraînement ! Comment ça s'est passé ?
Amara regardait Misugi qui semblait inquiet.
- Ama ?
- Hein ? Ah ! Oui super l'entraînement, je serais bientôt plus forte que Misu.
Misugi lui sourit, apparemment fier de " son apprentie ".
- Je voudrais bien voir ça ! Répliqua-t-il tout en sachant qu'elle avait parfaitement raison.

Il était plus de 18h quand ils rentrèrent. Misugi se dirigea vers les salles de magie.
- A tout à l'heure les filles !
Elles rentrèrent dans leur chambre.
- Où il est allé ? Questionna Loulou.
- Aucune idée…
- Il a peut-être une autre apprentie, taquina Loulou.
- J'ai vu aucun nouveau, répondit calmement Amara.
- Vous avez fait quoi cet après-midi ?
Amara lui raconta en détail la prophétie que lui avait raconté son ami, elle lui expliqua que toute l'histoire tenait debout.
- Bah, laisse tomber c'est n'importe quoi ses histoires de prophéties, il se fait vieux le grand prêtre !
- Il a pas pu deviner ma vie et inventer tout ça !
- Toutes façons, te prend pas la tête, pense plutôt à la fête de demain !
- Oui. C'est où ? Quand ?
- A la salle des fêtes, tout le monde peut rentrer et c'est demain à partir de 17h. C'est une fête en ton honneur, oublies pas ! T'as quelque chose à te mettre ?
- Euh… j'ai pas grand-chose.
- On s'occupera de tout ça demain ! Tu vas voir, tu seras la plus belle de la fête ! A part moi, bien sûr, plaisanta Loulou.
Elles discutèrent des vêtements et de la coiffure qu'elles allaient porter pour la fête. Loulou expliqua comment elle se déroulerait.
- D'abord, il y aura la cérémonie, on t'emmènera dans une petite salle et tu passeras une épreuve de magie. Je ne peux pas te dire ce que c'est. Tu seras seule avec la grande prêtresse Samilia et Maître Tsongor. Quand tu auras obtenu le " diplôme ", tu sortiras. On le saura au premier coup d'œil, si tu as réussi. Après, on ouvrira les Zaaps et chacun ira accueillir ses invités. Je vais inviter Guitou, et toi ?
- Seulement mes parents. J'ai pas beaucoup d'amis à cause des superstitions des gens du village à cause du jour ou on m'a trouvée… les parents empêchaient les enfants de jouer avec moi.
- Heureusement qu'on est là !

Les clochettes finirent par sonner l'heure du repas. Les deux jeunes filles partirent, bras dessus bras dessous.
Au dîner, Amagi se joignit à eux, il insista pour avoir la place à côté d'Amara. Il lui parla de choses et d'autres, Amara l'écoutait à moitié. Le jeune garçon avait dix ans et demi, il aimait s'habiller exactement comme son frère, il lui ressemblait beaucoup mise à part la taille. Amagi était plutôt petit pour son âge. Il parlait beaucoup, racontant sa vie à chaque personne qu'il croisait, contrairement à Misugi dont Amara ne savait finalement pas grand-chose. Il se tourna pour raconter aux autres l'épisode du scarafeuille.
- … je l'ai fait fuir en lui lançant des cailloux, il m'a même pas fait mal !
Amara éclata de rire, suivie par Loulou et Misugi qui firent de même. Les trois amis partirent discrètement à la fin du repas pendant qu'il racontait son aventure à la table voisine.
- Attention Ama, c'est un vrai pot de colle ! Comme t'as vu, il aime bien s'habiller comme moi. Et il aime aussi mes copines ! Et quand il commence à parler, tu peux plus l'arrêter ! Hein Lou ?
- Oh oui… soupira-t-elle, j'ai été sa dernière victime.

Ce soir là, Amara ne se coucha pas tard car elle comptait rendre visite à ses parents, tôt le lendemain matin.


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