Retour au site

CHAPITRE 5 : Une première leçon

Quand elle entra dans la chambre, Loulou finissait juste de s'habiller. Il était dix heures et demie. Amara nourrit ses animaux et les jeunes filles allèrent déjeuner. Elles retrouvèrent Misugi et mangèrent avec lui. Amara raconta sa rencontre avec l'alchimiste.
Misugi lui demanda qu'elle pourrait retourner les voir travailler dans l'après midi, mais pour l'instant, elle devait essayer de s'entraîner à la pratique de la magie du feu.
Amara avait un peu peur. Loulou leur donna rendez-vous a 13h30 au même endroit pour le repas puis elle partit.Le jeune homme prit Amara par la main, amicalement, comme à son habitude, et la conduisit devant un grand escalier de pierre. Ils montèrent. A l'étage, un grand couloir menait tout droit à un temple. Sur les cotés, de grandes salles de pierres. Misugi amena Amara à l'intérieur d'une des salles et lui expliqua qu'ils allaient commencer à apprendre la magie. Amara se sentait excitée, mais aussi un peu angoissée à l'idée de devoir faire de la magie, elle qui n'y avait jamais cru.
Peut-être s'étaient-ils trompés, peut-être n'avait elle aucun pouvoir ? Ou au contraire, peut-être n'arriverait-elle pas à le contrôler…
Amara restait devant la porte, un peu effrayée.
Comme elle ne bougeait pas, Misugi qui était derrière une grande table lui fit signe d'approcher.
- Viens Amara.
Elle s'avança lentement.
Misugi prit un morceau de bois sur la table et le posa par terre ; il recula de quelques mètres et fixa le bout de bois. Amara sentit le feu se réveille en elle, il était présent dans son corps, mais elle n'aurait pu dire comment elle le savait, il était là, c'est tout. Au bout de quelques secondes, le morceau de bois s'enflamma et se consuma instantanément. L'exercice n'avait pas duré plus de dix secondes.
La jeune fille commençait à réaliser ce qu'était la magie, Du moins le croyait-elle. Elle apprendrait plus tard que ce qu'elle venait de voir ne représentait même pas un dixième de ce pouvoir. Amara, pour la première fois, regarda le jeune homme. Elle profita de sa concentration pour l'observer sans aucune gêne. Il était plus grand qu'elle, plus âgé aussi, de deux ou trois ans. Ses cheveux étaient de la couleur des feuilles de menthe sauvage, d'un vert foncé qui s'éclaircissait un peu sous les rayons du soleil qui entraient par la fenêtre. Il avait un visage calme et attentif, ses yeux étaient bleus foncé et il avait la peau très claire.
Misugi s'approcha d'elle, elle sursauta lorsqu'il l'arracha à ses pensées en la prenant par le bras. Il l'amena devant la grande table et se replaça derrière. Divers objets étaient disposés sur la table. Misugi commença à lui expliquer :
- Les objets qui brûlent le plus facilement sont ceux qui sont sensibles au feu, normalement. Bois, parchemin, paille ou herbe sèche et bien d'autres. Plus l'objet est petit, plus il est difficile de concentrer l'énergie afin de le brûler. Lorsqu'il s'agit des matériaux non inflammables, les effets du feu sont plus durs à maîtriser. Le métal fond, la pierre explose, l'eau s'évapore. Dans ces cas là, à l'inverse des matériaux inflammables, ceux-ci sont plus durs à brûler si ils sont volumineux.Misugi lui montra la table et lui demanda lequel des objets lui semblait le plus difficile à brûler.
Elle réfléchit et hésita longuement, puis elle désigna un gros morceau de granit. Puis elle retira sa main et montra une boule de plomb de la même taille. Misugi sourit.
- C'est ça. Ces deux objets, pour deux raisons différentes.

Il expliqua que la pierre était extrêmement difficile à brûler car il fallait faire très attention. Si l'on ne chauffait pas assez, la pierre restait entière, se recouvrant parfois de minces fissures ; par contre, si l'on chauffait trop fort, envoyant trop d'énergie d'un coup, la pierre volait en éclat, envoyant des petits éclats violement, avec tant de vitesse qu'on les voyait à peine passer. L'impact avec un tel projectile pouvait être mortel.
Pour le métal, la raison était toute autre. En fait, pour faire fondre du métal, le feu devait pénétrer au centre de l'objet, ce qui demandait un grand effort de concentration. Faire fondre une bille de métal était le but final de ce premier apprentissage, chaque habitant du berceau se devait de savoir le faire à la fin de son entraînement.
Il lui demanda ensuite lequel serait le plus facile. Elle hésita un instant puis prit un morceau de parchemin.
Enfant, elle avait déjà brûlé pas mal de parchemins en faisant accidentellement tomber sa bougie dessus.
- Tu veux essayer ?
Amara le dévisagea.
- N'aies pas peur Amara, la rassura-t-il, viens par là.
Il prit plusieurs feuilles de parchemin et prit Amara par le bras. Ils allèrent s'asseoir sur le rebord d'une fenêtre fermée. Misugi parlait doucement, chuchotant presque pour la rassurer. Il lui expliqua :
- Tu dois penser au feu en toi, tu le sens au creux de ton ventre, n'est-ce pas ?
Il montra à Amara l'endroit, au dessous de son cœur.
- Oui. Sa voix tremblait un peu.
- Il faut que tu y penses fort, dit Misugi en souriant légèrement. Comme si tu voulais le réveiller. Quand il sera prêt, tu le sauras. Il faudra ensuite te concentrer sur l'objet que tu veux brûler.
Amara prit le parchemin.
- Attends !
Misugi se leva et se dirigea vers la table. Quand il revient, il tendit une paire de gants à Amara.
- Il vaut mieux les mettre quand tu manipules quelque chose que tu dois tenir dans ta main. Ils sont en cuir de dragon-cochon, cet animal rare et dangereux.
- Merci, Amara adressa un sourire au jeune sorcier et mit les gants. Elle prit ensuite un morceau de parchemin.
Misugi se rapprocha un peu d'elle et prit son bras, au niveau du coude. Il le leva lentement de manière à placer le parchemin dans la main de la jeune fille, devant son visage. Il descendit sa main sur le bras nu d'Amara jusqu'au poignet, lui faisant tendre le bras. Il chuchota :
- Bonne chance.
Puis il lâcha son bras. Amara fixa le parchemin et se concentra. Aussitôt qu'elle se mit à penser au feu, il s'éveilla et se rependit dans son corps. Elle se concentra ensuite sur le parchemin. Celui-ci, au bout de quelques secondes, s'enflamma puissamment, projetant une grande flamme devant la jeune fille. Amara eut instinctivement un mouvement de recul et retira sa main. Misugi tendit vivement la main et dévia les cendres chaudes qui allaient brûler les jambes de son amie. Son geste rapide avait évité la brûlure, son poignet effleura les genoux d'Amara qui semblait abasourdie.
Son cœur battait vite, elle se demanda si l'étrange sensation qu'elle ressentait aller se reproduire à chaque fois qu'elle ferait de la magie.
Misugi semblait gêné.
- Excuses-moi je ne pensais pas que tu y arriverais au premier essai, tu as failli te brûler à cause de moi.
Amara commençait à reprendre son calme, elle semblait perplexe.
- J'ai réussi… Je ne pensais pas non plus que j'y arriverai ! C'est la première fois que je fais ça !!
- Je sais. Je pensais qu'il te faudrait plus d'entraînement. Mais il y a une chose que tu dois savoir, c'est qu'à chaque fois que l'on utilisera de la magie près de toi, le feu se ravivera, il se tiendra prêt. C'est sans doute pour ça que le feu a été si vif… J'aurais du t'en parler. En tout cas c'était une belle flambée, bravo !
- Il faut que j'apprenne à le contrôler, n'est-ce pas ? Supposa Amara.
- Bien sûr, ça n'était que la première fois ! S'exclama-t-il. Je suis sûr que tu seras une bonne apprentie. Comment tu te sens ?
- Bien, pourquoi ?
- La magie demande un certain effort, si tu l'utilises trop souvent en peu de temps ou trop fort d'un coup, tu seras fatiguée, tu peux même avoir un peu mal à la tête.
Il hésita un instant puis repris la parole :
- Par contre… Maître Tsongor comptait sur moi pour être prudent et on peut pas dire que ça ai été le cas. Si…
- Je dirais rien, coupa-t-elle en souriant.
- Merci, Misugi semblait gêné, d'habitude les apprentis ont tellement peur qu'ils n'arrivent pas à se concentrer. Et toi t'arrives et tu nous brûles la baraque !
Amara rougit légèrement sous le compliment. Elle était fière d'avoir réussi.
- Je crois qu'on a eu assez d'émotions pour aujourd'hui, hein ?
- Heu oui je pense ! Elle retira les gants qu'elle portait toujours.
- Une dernière chose, n'essaye pas de faire quoi que ce soit seule, un accident est vite arrivé. Normalement tu ne peux pas mettre le feu sans le vouloir ; s'il se réveille, n'y fait pas attention. Ici ça risque d'arriver souvent, mais c'est un bon exercice. Fais quand même attention… il peut toujours y avoir des surprises.
Amara se sentait un peu fatiguée. Misugi reposa le parchemin et les gants, puis il la rejoignit dans le couloir. A l'horloge, il était 13h. Ils sortirent.
Amara était contente d'être dehors. Ils allèrent s'asseoir plus loin, sous un gros amandier. Ils restèrent silencieux quelques minutes, chacun réfléchissait.
La jeune fille pensait à sa rencontre avec l'Abraknyde, quelques jours plus tôt ; elle la raconta à Misugi.
Quand elle dit qu'elle avait réussi à brûler les petites branches de l'arbre, il laissa échapper un sifflement admiratif.
Amara rit.
- Mais je ne l'ai pas fait exprès !
- Tu sais, brûler quelque chose de vivant est bien pus dur que tous les exercices que l'on peut faire sur des objets…
- Mais…
- C'est à cause de l'élément présent dans chaque animal, chaque personne. Il combat le feu. C'est plus facile sur les monstres que sur les animaux, mais sache que brûler quelque chose de vivant, ou pire, quelqu'un, volontairement, c'est la pire faute qui puisse être commise. Tuer des monstres, ce n'est pas mal. Ce sont des créatures démoniaques.
Amara s'allongea dans l'herbe et soupira.
- J'en suis bien incapable… je n'ai même jamais mis une gifle à qui que ce soit !- Oh ça va pas tarder, tu verrais comme il peut être embêtant quand il s'y met ! Lança Loulou en arrivant derrière Amara.
Amara la regarda en se cachant les yeux à cause du soleil. Misugi lui fit un croche pieds quand elle s'approcha de lui : vengeance. Loulou garda son équilibre, agile, elle battit des ailes et évita le piège. Elle alla s'asseoir un peu plus loin.
- Alors, comment ça s'est passé ? Questionna Loulou.
- Hé bien… commença Amara.
- Elle nous a quasiment incendié le bâtiment ! Se moqua Misugi. Non, plus sérieusement, elle a été très bien. A part qu'elle y a été un peu fort !
- Ben…
- On va manger ! Coupa Loulou.Après le repas, les trois amis se séparèrent. Loulou allait voir Guitou, Misugi devait aller voir ses parents.
Amara, se retrouvant seule, rentra dans sa chambre.
Elle s'assit sur son lit et réfléchit au moyen d'occuper son après-midi. Elle opta pour un livre et ressortit, les animaux sur ses talons. Le tofu semblait content d'enfin pouvoir se dégourdir les pattes et les ailes. Il se mit à courir, voletant dans les jardins.
Le bouftou quant à lui, ne semblait pas décidé : comme s'il n'avait pas assez dormi dans la chambre, il alla s'allonger dans l'herbe, dos à l'amandier.
Amara soupira et alla près de lui, elle s'allongea dans l'herbe à son tour et posa la tête sur le flanc de l'animal. Elle ouvrit son livre et commença à lire.
Dain passa et la salua. Amara lut une bonne partie de l'après-midi. Elle termina son livre aux alentours de 17h. Le bouftou n'avait pas bougé.
La jeune fille s'assit et appela son tofu, il arriva a toute vitesse en piaillant, telle une boule de plumes bleues couvertes d'encre.
Amara le prit dans ses mains et chercha ce qui avait pu l'effrayer. Elle aperçut Misugi au loin, il était suivi d'un énorme sanglier qui marchait lourdement en se dandinant.Amara sourit à l'adresse du jeune homme et posa le tofu par terre. Ce dernier alla se cacher derrière le gros bouftou qui était à peine réveillé. Il grogna en faisant mine de mordre l'oiseau, puis se calma en voyant le gros sanglier, il l'observa avec inquiétude. Amara non plus n'était pas rassurée, l'animal était vraiment énorme.
Misugi vint s'asseoir à côté d'elle.
- Désolée, Gligli a trouvé ton tofu très marrant…
- Oh ! Il est à toi ?
- Oui, elle attend des petits. Je les relâcherai quand elle aura mis bas.Le sanglier était allé dormir un peu plus loin. Amara se rallongea contre son bouftou et demanda :
- Comment s'est passée ton après-midi ?
- Oh, mes parents étaient sortis, je suis resté avec une amie.
- Ta petite amie, hein ? Le taquina Amara.
- Oh non pas du tout, répondit-il en riant. Elle aurait l'age d'être ma grand-mère ! Elle s'est occupée de moi quand j'étais petit. Mes parents travaillaient beaucoup pour nous permettre de vivre… répondit-il, visiblement gêné.Amara lui raconta comment ses parents adoptifs l'avaient trouvée, sans lui donner trop de détails. Elle lui parla longuement d'Œil-de-loutre et des Chasseurs-pèlerins
- En parlant de chasse, ça fait longtemps que je ne me suis pas entraîné. J'irai après le repas. Tu peux venir avec moi si tu veux. Proposa Misugi.
- Oui, j'aimerai bien te voir faire. Loulou sera avec nous ?
- Oh tu sais, je ne sais même pas si elle viendra manger au berceau. Ils forment vraiment un beau couple, Guitou et elle.
- Oui, ils ont l'air d'être heureux ensemble… dit pensivement Amara.
- Ils le sont. Misugi sourit. Ca fait longtemps que ça dure.
La cloche sonna. Le temps avait passé tellement vite qu'Amara fut étonnée, il était 19h30.
Misugi se mit debout et aida son amie à se lever.
Ils se rendirent au réfectoire pour le dîner.
Après le repas, le jeune homme demanda à Amara si elle était fatiguée.
- Je me suis reposée tout l'après-midi, je suis plus résistante que tu ne peux le croire !
- C'est que les monstres sont plus vifs la nuit… Je peux passer te chercher vers 21h ?
- OK, je t'attends. A tout à l'heure.Chacun partit en direction de sa chambre. Amara se changea. Le début de l'été se faisait sentir, on était à la fin du mois de juin. Elle enfila une petite jupe plissée de sa couleur préférée : le bleu ciel qui lui arrivait jusqu'au dessus des genoux. Un débardeur blanc l'accompagnait.
Elle releva ses cheveux avec une petite pince blanche. Elle nourrit ses animaux.
En attendant Misugi, Amara s'assit sur le lit, le dos appuyé contre le mur. Elle prit sa flûte et commença à jouer. Elle enchaîna plusieurs airs qu'elle avait appris au village. Elle joua ainsi jusqu'à l'arrivée de son ami.

Retour au site