CHAPITRE
3 : Une étrange découverte
Six ans passèrent. Amara, qui resta beaucoup plus longtemps à
la ferme que sa grande sur, grandissait. Elle avait alors quatorze ans
et devenait une très jolie jeune fille. Elle aidait beaucoup aux champs
et, afin de gagner un peu d'argent, se fit embaucher comme apprentie boulangère
au village. Au cours de ces six dernières années, Amara avait
acquis une parfaite connaissance des champs, de chaque graine, de chaque épi,
de chaque sorte de farine. Elle fauchait les épis avec une grande dextérité
et travaillait rapidement, sans trop se fatiguer. Il en fut de même
à la boulangerie. Amara acquit son diplôme de boulangère,
connaissait par cur chaque recette, chaque ingrédient, chaque
pain et pâtisserie.Amara, lors d'une visite en forêt, trouva un
jeune Bouftou, qui paraissait seul et abandonné. Elle le recueillit
et " l'éleva " auprès de son Tofu, compagnon de toujours.
L'animal, très jeune, aimait s'amuser ; il faisait rire Amara en se
roulant par terre ou en mangeant des fleurs, à même la tige.
La jeune fille aimait les animaux et la nature.C'est au cours de l'année
où Amara allait avoir quinze ans que sa vie changea.Alors qu'elle se
promenait dans la forêt, pendant une belle soirée de printemps,
Amara fit une étrange et dangereuse rencontre. Elle fut attaquée
par une chose maléfique
Elle n'en crut pas ses yeux, jusqu'alors,
elle avait cru que les Abraknydes n'existaient que dans les contes pour enfants
L'arbre était méchant et puissant, Amara n'arrivait pas à
fuir, elle n'avait aucun moyen de se défendre
Son bouftou, la voyant en danger, se jeta courageusement sur l'Abraknyde.
Il fut blessé et jeté à terre. Amara avait peur, elle
ne savait pas quoi faire pour échapper au monstre. Celui-ci s'approchait
du bouftou blessé
Soudain, l'adolescente sentit une douce chaleur
envahir son corps, elle sentait une énergie puissante qui brûlait
en elle.
Elle jeta un regard sur le monstre ; l'Abraknyde poussa un cri de douleur,
les fines branches qui le recouvraient fumaient et se consumaient, il se retourna
et partit en " courant " à toute vitesse.
Amara ressentait un sentiment étrange, comme du plaisir mêlé
à la peur qu'elle venait de ressentir. Les émotions la submergèrent
et elle se mit à pleurer. Elle s'approcha du bouftou et s'agenouilla
à côté de lui. Le bouftou lui lécha affectueusement
le visage, il était très faible mais ne semblait pas grièvement
blessé, elle caressa sa douce laine et
elle en était sûre,
l'animal lui souriait.Amara ne croyait pas à la magie, pourtant l'évènement
l'intriguait et lui faisait un peu peur. Elle se rappela ce que lui avaient
raconté ses parents à propos du jour où elle avait été
découverte, devant la fontaine
Elle redemanda à ses parents
de lui expliquer encore une fois comment cela c'était passé.
Elle leur raconta l'aventure de l'Abraknyde et leur demanda si ça pouvait
être lié à la lumière rouge que les habitants avaient
vue lorsque le démon l'avait déposée près de la
fontaine
Ses parents n'avaient pas la réponse à cette
question. Comme toujours lors qu'elle ne comprenait pas quelque chose, Amara
se rendit à la bibliothèque et lut de nombreux ouvrages qui
parlaient de la magie, légendes et histoires vraies. Elle tomba par
hasard sur un petit livret recouvert de cuir noir. Sur la couverture on pouvait
lire : " Le Dragon des Flammes ".La jeune paysanne ouvrit le livre,
sur la première double page, un grand Dragon aux couleurs du feu ouvrait
ses ailes, sous lesquelles on distinguait de petits ufs rouges et noirs.
Amara tourna la page, à gauche une illustration représentait
un étrange bâtiment. Un signe était gravé au sol
et deux statues représentaient des Dragonnets étaient positionnées
de part et d'autre de l'entrée. Amara avait déjà vu l'endroit
non loin du village. Sur la page de droite, un long paragraphe présentait
l'Ordre du Dragon des Flammes. Les propos tenus étaient étranges,
les " membres " étaient adorateurs de la nature et des animaux,
ils maîtrisaient tous la magie du feu qui, disaient-ils, permettait
de faire beaucoup plus de choses que de brûler un simple petit tas de
bois.
Amara, surprise mais néanmoins excitée par cette étrange
découverte, emprunta le livre et l'emmena chez elle. Amara réfléchit
beaucoup. Elle ressorti la statuette de Kwak qu'elle gardait précieusement,
toujours dans son sac à dos. Le sculpteur lui avait dit que l'animal
était le symbole de la magie des quatre éléments... Amara
en repensant au sculpteur se mit à penser à il-de-loutre.
Elle ressortit sa jolie flûte bleue et se mit à en jouer.Après
mure réflexion, la jeune fille se décida à se rendre
à l'étrange bâtiment. Elle prévint ses parents
et partit pour la journée. Amara, contrairement à il-de-loutre,
était très réservée et discrète, elle ne
racontait pas tout ce qu'elle faisait, elle était très autonome
et indépendante. Elle prenait ses décisions sans demander l'avis
à qui que ce soit, elle n'aimait pas dévoiler ses projets. Elle
partit donc, seule.Quand elle arriva devant le grand bâtiment de pierre,
elle fut impressionnée par les imposantes statues qui encadraient la
porte. Un escalier descendait sous terre, comme une grotte. La jeune fille
s'approcha, hésitante. Devant l'escalier, elle appela, seul l'écho
de sa voix lui revint. Amara pensa à rebrousser chemin, mais l'étrange
bâtisse l'attirait. Plus elle s'en approchait, plus elle se sentait
bien. Elle sentit le feu se réveiller en elle, comme le jour de sa
rencontre avec l'Abraknyde, il se répandait dans tout son corps, faisant
battre son cur plus vite.
La petite paysanne descendit lentement les marches de pierre. Elle regardait
partout autour d'elle, la lumière diminuait au fur et à mesure
qu'elle s'enfonçait sous terre. L'escalier se terminait quand on n'apercevait
plus du tout la lumière du jour. La pièce était complètement
plongée dans l'obscurité. Elle eut beau attendre que ses yeux
s'y habituent, l'ombre était impénétrable. La jeune fille
appela encore, sa voix raisonnait dans la salle vide. Elle avança lentement
; une fois arrivée a milieu de la salle, elle sentit que le feu se
faisait plus présent à son esprit, son cur s'emballa et
se mit à battre fort et rapidement. De nombreuses torches fixées
à même la pierre s'allumèrent, toutes en même temps.
Amara s'assit par terre, sans se déplacer de l'endroit où elle
se tenait. Elle regarda autour d'elle, l'esprit légèrement embrumé
par cette étrange sensation qui submergeait tout son corps et son esprit.Elle
se trouvait dans une grotte circulaire, les parois étaient grises.
Amara, en cherchant des yeux, quelque chose où quelqu'un à qui
se raccrocher remarqua l'étrange lumière qui brillait faiblement
autour d'elle, projetant des ombres tremblantes sur la pierre. Elle crut d'abord
que la lumière émanait de son propre corps ; elle continua à
regarder distraitement autour d'elle puis son attention fut attirée
par l'emplacement où elle était assise. D'étranges signes
y étaient gravés et produisaient une lumière orangée.
Le sol était tiède, la lumière gagnait en intensité,
rayonnant avec plus de force à chaque instant. Amara n'était
pas éblouie par la lumière mais celle-ci devenait si puissante
que la jeune fille ne distinguait plus les parois de la grotte. La lumière
n'était pas chaude, on pouvait la traverser facilement.
Quelqu'un qui serait entré dans la pièce à ce moment
n'aurait vu qu'une colonne de lumière qui montait vers le " plafond
" de la grotte, parcourue de symboles qui tournoyaient. Amara se sentit
glisser sur le sol et perdit connaissance.
Elle se réveilla un instant plus tard mais n'ouvrit pas les yeux. Une
chaude lumière éclairait son visage, le sol était doux
et moelleux sous son dos. Elle entendit des chuchotements, des murmures, et
sentit le vent sur son visage. Elle ouvrit enfin les yeux et regarda autour
d'elle.
Elle était allongée dans l'herbe verdoyante, le soleil réchauffait
son doux visage, la brise du printemps caressait son corps. Elle entendit
de l'eau s'écouler non loin de là. Amara s'assit sur l'herbe
et se retourna en entendant une voix féminine lui parler doucement.
Une femme grande et mince se tenait devant elle. Elle possédait de
longs cheveux argentés.
Elle lui souhaita la bienvenue, sa voix était respectueuse, douce et
calme.
Amara ouvrit la bouche pour demander où elle se trouvait mais la femme
la pria de se lever et de l'accompagner.
Amara s'exécuta en silence et suivit cet étrange personnage.
Elle se trouvait dans un immense jardin fleuri et coloré. Il y avait
plusieurs fontaines, de nombreuses plantes, fleurs et arbres. C'était
magnifique, Amara le dévora des yeux, son sens de l'odorat éveillé
par la senteur de fleurs qui lui étaient inconnues. Le feu était
toujours présent en elle, il semblait " dormir ", niché
au creux de son ventre. Amara trouvait la femme aux cheveux d'argent très
belle, et sa manière de se mouvoir avait quelque chose de mystérieux.
Elle se déplaçait avec grâce, ses pas semblaient légers.
Elle marchait devant elle, ses longs cheveux ondulant sous la douce brise.
Amara aperçut quelques personnes, penchées sur un livre, agenouillées
devant quelques fleurs, ou se promenant, discutant à voix basse. Le
jardin était très calme, les Pious chantaient.La femme amena
Amara jusqu'à un temple, situé au centre de l'immense jardin.
L'édifice était grand, il pouvait contenir une centaine de personnes.
Il était de forme circulaire et surmonté d'une coupole de métal
argenté zébré de reflets orangés. Des voix se
faisaient entendre à l'intérieur. Un grand nombre de personnes
étaient assemblées autour d'une petite fontaine, les reflets
de la coupole en faisaient scintiller l'eau. De l'autre côté,
un homme semblait tenir un discours devant l'assemblée de personnes.
Le silence se fit dans la salle quand elles entrèrent. L'homme s'approcha
d'elles.
- Bienvenue Amara. As-tu déjà entendu parler de notre Ordre
?
La jeune fille hocha la tête négativement.
- Sais-tu ce qu'est notre magie ?
Nouveau hochement de tête.
La femme s'approcha d'Amara et lui expliqua :
- Chaque personne porte en elle un peu d'énergie magique, voire même
beaucoup. Ceux dont cette énergie n'est que peu présente peuvent
tout à fait vivre avec sans s'en soucier, ou même sans s'en rendre
compte. C'est d'ailleurs le cas pour la majeure partie des gens. Mais certains
sont habités par un pouvoir plus puissant. Ceux-là peuvent aisément
pratiquer la magie correspondant à leur élément. Ils
s'en servent pour faire le bien autour d'eux, et malheureusement aussi, quelques
fois, pour faire le mal. Ils lui expliquèrent ensuite que, si, il y
a quelques heures, elle avait pu utiliser la magie de feu sans même
s'en apercevoir, c'est que son pouvoir était considérablement
puissant.
En effet, les symboles gravés sur la pierre étaient activés
par la magie du feu : toute personne ne portant pas la Flamme en lui n'aurait
pas été attirée par le bâtiment, et quand bien
même elle y serait descendue dans la pièce circulaire, elle n'y
aurait découvert que la pierre grise et froide de la grotte.
Amara demanda quel était l'endroit où elle se trouvait. La femme
reprit la parole et lui parla de ce lieu magique. Sans s'arrêter de
parler, elle fit signe à Amara de se lever et la conduisit dans les
jardins.Elles se promenèrent le long des allées, la femme lui
dit le nom de chaque fleur, lui parla des nombreuses fontaines qui ornaient
les jardins. Elles passèrent devant des bâtiments, il y avait
des serres, des laboratoires, une bibliothèque et, plus loin, un grand
bâtiment, tel un monastère avec son temple, ses dortoirs et une
salle à manger gigantesque.L'ordre du Dragon des flammes vénérait
la nature et lui rendait hommage, la remerciant pour ce qu'elle lui apportait.
Les jardins étaient immenses, il fallait plusieurs heures pour en faire
le tour. La femme expliqua que tout autour de cette clairière se trouvait
une forêt impénétrable.
Amara s'étonna de ne l'avoir jamais vue sur Amakna et fut plus étonnée
encore de savoir qu'elle se trouvait très loin, à plusieurs
centaines de lieues de chez elle.
La clairière se trouvait au beau milieu d'une foret que nul ne pouvait
traverser, il n'existait donc aucune entrée, aucune sortie, mis à
part les Zaaps, aux 4 extrémités de la clairière. Amara
apprit plus tard que les Zaaps régissaient à la magie, reconnaissant
l'élément du feu, et ne pouvant être activé que
par lui.Amara, en voyant le coucher de soleil sur les arbres, exprima le désir
de rentrer chez elle. La femme la reconduisit donc jusqu'au Zaap. Elle l'activa,
et toute deux se retrouvèrent dans la grotte. Les torches étaient
allumées. Amara regarda autour d'elle et demanda pourquoi elle ne s'était
pas évanouie, et pourquoi il n'y avait pas eu de lumière comme
la première fois. La femme expliqua que pour sortir de la clairière,
il suffisait juste de le vouloir. En marchant sur la dalle de pierre, celle-ci
s'activait automatiquement. Alors que pour entrer à l'intérieur,
le Zaap identifiait la magie, et la nature de l'âme qui essayait de
l'activer.
Elle expliqua ensuite que, si une âme mauvaise tentait de pénétrer
par la force chez le Dragon des Flammes, le Zaap ne fonctionnait pas, et prévenait
les sorciers du danger, assurant ainsi la sécurité du Jardin.
C'est pour cette raison qu'on le surnommait aussi " Le Berceau ".
La femme dit à Amara de rester chez elle le lendemain matin, quelqu'un
viendrait lui donner de plus amples explications, ainsi qu'à ses parents.La
jeune fille rentra donc chez elle. Ses parents étaient un peu inquiets.
Elle leur raconta donc toute l'histoire. Timidement, comme à son habitude
lorsqu'elle racontait quelque chose d'important.
Avant d'aller se coucher, elle commença une longue lettre à
il-de-loutre, lui racontant, à elle aussi, toute son histoire.
Puis, tout en caressant la douce laine de son bouftou, elle repensa aux Totems,
âmes d'animaux qui habitaient chaque être. Un animal, un pouvoir
Amara se demanda par quel hasard son totem pouvait être un Kwak, ce
grand oiseau représentant les 4 éléments.
Elle s'endormit profondément et ne se réveilla que le lendemain
matin, tirée de son sommeil par des coups frappés à la
porte.
Amara s'habilla en vitesse et descendit accueillir le visiteur qui parlait
à ses parents. Il lui laissa le temps de se préparer et expliqua
rapidement la situation à ses parents, il leur dit qu'il reviendrait
s'entretenir avec eux un peu avant midi et emmena Amara dehors. Ils marchèrent
en silence jusqu'à une grosse table de pierre, entourée de bancs
faits du même métal que la coupole des temples. Amara était
sûre de ne jamais les avoir vu ici et soupçonna le sorcier de
les avoir placés là avant de frapper à leur porte. Elle
s'assit néanmoins, le métal n'était pas froid, il n'était
pas chaud non plus d'ailleurs. Elle posa les mains sur la table et attendit
que le sorcier prenne la parole. Il s'assit en face d'elle et se présenta.
Il se faisait appeler Maître Tsongor et était le meilleur prêtre
de l'ordre. Il était connu du monde entier mais personne n'avait jamais
vu de ses propres yeux l'étendue de ses pouvoirs. Il lui expliqua qu'il
enseignait à tous ceux qui le désiraient la maîtrise de
la magie du feu, à la condition de prêter serment à l'Ordre
des quatre éléments et en particulier à celui des Flammes.Il
lui demanda si elle désirait apprendre. Amara acquiesça mais
demanda les conditions qu'il fallait remplir pour faire partie de l'Ordre
du Dragon des Flammes.
Il fallait posséder la Flamme, ce dont il ne doutait pas dans le cas
d'Amara. Pour les capacités, il suffisait d'avoir de la volonté,
de s'intéresser à tout avec curiosité, d'être calme
et patient, et surtout, de contrôler ses émotions. Ne pas se
laisser entraîner à lever la voix, ou, au contraire, à
se laisser sombrer dans le désespoir.
Amara sourit, se sachant de tempérament calme et posé, elle
possédait la volonté d'apprendre, plus que n'importe qui, et
était dotée d'une grande curiosité.Maître Tsongor
se leva. C'est ce moment que choisit le tofu d'Amara pour " se mêler
de la conversation ". Il sauta sur la table en voletant de ses petites
ailes, atterrit maladroitement et roula sur lui-même en touchant la
table. Il retomba sur le dos, ses deux pattes dressées vers le ciel
et regarda la jeune fille avec un air hébété. Amara éclata
de rire en prenant l'oiseau dans ses mains, elle se sentait si heureuse. Le
sorcier sourit, amusé, et raccompagna Amara chez elle.
Les parents d'Amara invitèrent le sorcier à passer le repas
avec eux. Cette dernière alla dans la cuisine préparer le repas.
Le sorcier parla longuement à ses parents, celle-ci ne distinguait
pas leurs paroles. Elle dressa le couvert et ils passèrent à
table. Amara se sentait bouillir intérieurement mais elle osait à
peine bouger, fortement intimidée. Au cours du déjeuner, le
Maître Sorcier prit la parole. Il demanda à la jeune fille si
elle était prête à apprendre et à venir vivre au
berceau avec d'autres gens pratiquant de la magie du Feu
Amara regarda
tour à tour ses parents et le sorcier. Ses parents lui conseillèrent
de faire ce qu'elle désirait. Elle baissa la tête et annonça
:
- Je suis prête.
Le sorcier acquiesça d'un signe de tête.
- Prépare tes affaires et rends-toi au Zaap, dans trois jours, à
midi. Prends tes animaux avec toi, avança-t-il en apercevant le Bouftou
prêt de la table.
Elle sourit en suivant le regard du sorcier. Ils finirent le repas en silence,
Maître Tsongor remercia la famille d'Amara et se retira.L'adolescente
resta pensive, tout cela lui faisait un peu peur. Elle regarda ses parents
d'un air coupable, coupable de les abandonner si tôt. Elle promit de
passer les voir très souvent car elle serait logée près
d'ici, dans le bâtiment secret menant au berceau, et pourrait revenir
quand elle le voudrait. Elle s'approcha de ses parents et les prit dans ses
bras, le Tofu perché sur son épaule vint voleter entre eux,
perdit l'équilibre et tomba sur le bouftou endormi qui se tourna et
ne le regarda même pas. Amara fit mine de réprimander le maladroit.
Elle sourit à ses parents et monta dans sa chambre, elle termina sa
lettre pour il-de-loutre, lui racontant tout en détail. Puis
elle sortit dans le champ, travaillant avec ardeur jusqu'au soir. Elle récolta
ainsi un nombre important d'épis de blé et rentra chez elle
épuisée. Elle mangea et s'endormit aussitôt couchée.Elle
se leva tôt le lendemain matin et se mit à moudre tous les grains
de blés qu'elle venait de trier. Après le déjeuner, elle
emprunta la charrette de ses parents et partit au village avec ses sacs de
farine. Elle posta sa lettre avant de se rendre à la boulangerie ou
elle commença a faire du pain, pétrissant et enfournant la pâte
tiède. Elle ne faisait plus attention au temps qui passait et travaillait
avec acharnement. Amara se sentait à nouveau épuisée,
mais néanmoins heureuse. Elle se retrouvait dans son élément
et exerçait avec passion le métier qu'elle connaissait depuis
l'enfance. Le soir venu, des milliers de pains avaient été pétris
par les soins de la jeune apprentie. Les boulangers, étonnés,
lui donnèrent l'argent qui lui revenait en conséquent de la
tâche effectuée, trois fois plus que d'habitude.La jeune boulangère
ramena quelques pains chez elle qu'elle donna à ses parents. Maintenant
que son travail était effectué, la jeune fille commençait
à trouver le temps long jusqu'au lendemain. Elle monta chercher la
petite flûte bleue taillée par sa grande sur. Puis elle
s'assit confortablement sur un fauteuil. Le Bouftou, ayant aperçu l'instrument,
grimpa sur elle et se blottis contre sa poitrine.
Amara se mit à jouer lentement, c'était une berceuse qu'elle
avait inventée étant petite. Elle ferma les yeux, sans s'arrêter
de jouer. Ses parents s'assirent en silence dans d'autres fauteuils et écoutèrent
jouer leur fille adoptive, si grande maintenant. Ils se rendirent compte,
à présent, que le temps était passé très
vite
Amara se souvint avoir entendu sa mère dire à quel
point elle était devenue belle en grandissant. Ses longs cheveux blancs
brillaient toujours du même éclat argenté, elle avait
de grands yeux noisette et les joues roses des enfants de la campagne.
La jeune fille entrouvrit les yeux le temps de voir les regards attendris
de ses parents posés sur elle, puis elle sombra peu à peu dans
le sommeil. Elle posa les mains sur le corps de son bouftou et se laissa aller
au profond sommeil qui l'envahissait.Elle se réveilla le lendemain,
dans son lit et prépara ses affaires, rassemblant ses quelques vêtements
et objets personnels. Ses parents l'attendaient dans la cuisine, ils voulaient
lui parler. Ils lui expliquèrent en détail ce qui s'était
passé le jour ou ils l'avaient trouvée, ils parlèrent
du démon qui l'avait déposée devant la fontaine. Puis
ils lui remirent l'épaisse cape orangée dans laquelle elle avait
été trouvée, dormant profondément avec le bébé
tofu. Elle lui allait parfaitement à présent, tombant élégamment
le long de son dos. Son père lui fit signe d'approcher et lui passa
autour du cou la mince chaînette ou pendaient les trois petites clés.
Par la suite, Amara ne quitta plus ni la cape ni l'amulette.
Un peu avant midi, Amara quitta la ferme. Elle dit longuement au revoir à
ses parents puis se dirigea vers le Zaap, ses paquets dans les mains, son
sac au dos.