CHAPITRE 13 : Expédition pour Amara
Au lever du soleil, tout le berceau était assemblé dans le temple. Le grand prêtre activa le Zaap et ils furent transportés devant l'entrée de la petite grotte.
Les six jeunes gens étaient prêts à partir.
Une des jeunes filles portait une robe jaune pâle et se tenait près d'un jeune homme aux ailes noires. C'étaient GlobACox et DrouVirus ; ils étaient suivis par un étrange attroupement de créatures, l'une d'entre elle semblait formée totalement de gros blocks de pierre, c'était un Craqueleur, il marchait d'un pas lent et lourd. Keazou reconnut aussi un vieux bouftou, un sanglier aux défenses imposantes et une femelle sanglier suivie de deux marcassins, c'était le sanglier de Misugi et ses petits. Près de là, deux jeunes hommes avaient un bouclier brodé sur leur tunique. L'un portait une tunique rouge foncée, l'autre une noire. Ils semblaient calmes et regardaient leurs camarades. Ils s'appelaient Djahil et Beothien. Loulou était accompagnée de Keazou.Le prêtre s'approcha d'eux et leur recommanda encore une fois la prudence et leur souhaita bonne chance. Il prit ensuite Keazou à part et lui indiqua l'itinéraire qu'ils devraient prendre. Il lui confia la responsabilité de diriger l'expédition.
Le soleil était en train de se lever quand ils partirent. Le reste du berceau les regarda partir sans un mot, quelques uns agitaient machinalement la main. Le petit groupe partit vers le Sud-est, en route pour le camp des Chevaliers de la Terre. Ils s'arrêteraient ce jour-là au port de Sufokia ou ils feraient une halte pour la nuit.
xxx
Cette nuit encore fut pénible pour Amara. La jeune fille fit encore de nombreux cauchemars. Elle tremblait de froid, recroquevillée sur elle-même. Le froid et l'humidité qui s'infiltraient partout créaient une atmosphère glaciale. Amara ouvrit les yeux et sursauta violement, un homme se tenait dans l'encadrement de la porte, le vent s'engouffrait dans la pièce accentuant encore le froid qui régnait autour de la jeune fille.
Amara, fiévreuse, regardait l'homme en tremblant, il s'approcha d'elle et referma la porte, la jeune fille ne voyait pas bien mais il avait quelque chose dans les mains.Un grattement se fit entendre à la porte, l'homme se retourna et l'ouvrit.
Amara se retint de crier quand la créature entra. Comme lors de sa rencontre avec l'Abraknyde, elle pensa que ces créatures n'existaient que dans les contes pour enfant.
La créature s'approcha d'Amara. La jeune fille effrayée recula jusqu'à se retrouver dos au mur. L'homme posa la main sur la tête de la créature qui arrêta de bouger. Amara la regarda fixement, l'animal avait une couleur rouge vif et était couvert d'écailles. Il s'agissait d'un dragonnet, dragon connu par sa petite taille même à l'age adulte. Le dragonnet arrivait à la taille de celui qui semblait être son maître. Il possédait d'énormes pattes griffues et de petites ailes qui semblaient ridicules par rapport à son corps massif et à sa grosse tête. Une épaisse vapeur sortait de ses naseaux quand il soufflait, il semblait jeune et vif.Amara, perdue, jeta un regard au démon. Il lâcha l'animal qui se jeta sur elle. Elle hurla et ferma fort les yeux. Mais l'animal se contenta de renifler la jeune fille, la parcourant de son museau chaud, lui soufflant son haleine tiède sur le visage.
La jeune fille rouvrit les yeux lentement, étonnée de ne ressentir aucune douleur, et tenta de se faire toute petite.
Le démon eut l'air amusé lorsque le dragonnet revint vers lui. Il s'approcha de la jeune fille encore tremblante et l'appela par son prénom :
- Amara ?
Elle leva les yeux, effrayée et tenta de reculer encore. Dans son esprit, une idée était profondément ancrée : L'un de ces démons avaient tué son ami, ils étaient dangereux.
Le démon n'insista pas. Il déposa quelque chose sur les genoux d'Amara avant de partir.Une fois l'homme parti, elle s'intéressa à ce qu'il lui avait laissé. A nouveau, elle ne put réprimer un élan de gratitude envers le démon qui venait de la quitter en sentant le lourd et chaud tissu orangé de sa cape, pliée sur ses genoux. Elle se rappela avec douleur l'avoir laissée près de Misugi dans le caveau. Elle se demanda pourquoi un ou plusieurs de ces démons prenaient relativement soin d'elle après l'avoir ainsi enlevée et enfermée. Elle se sentait faible, elle déplia la lourde cape et la mis sur ses épaules. Déjà, elle aurait moins froid. Elle s'allongea lentement, sa tête recommençait à bourdonner, elle n'avait plus envie de réfléchir.
Une fois de plus, elle sombra dans un sommeil comateux où elle revoyait des images d'horreur des dernières nuits, gémissant dans son sommeil.
xxxLe jour finit de se lever lorsque les six compagnons quittèrent le village d'Amakna. Ils se dirigèrent vers les épaisses forêts qui bordaient le village. Keazou marchait aux cotés de Loulou, à la tête du groupe ; Un rang s'était formé naturellement entre les compagnons. Derrière Keazou et Loulou se trouvaient DrouVirus et Globox. Beothien et Djahil discutaient à voix basse derrière eux et les animaux fermaient la marche.
Loulou semblait marcher machinalement, à demi réveillée. Mais elle avait l'air d'aller mieux que la veille, ce qui suffit à réjouir Keazou.A l'entrée de la forêt, le jeune homme les fit s'arrêter d'un signe de la main.
- Nous devons faire attention, je ne sais pas si le mal est arrivé jusqu'ici, la forêt est peut-être infestée de monstres et autres créatures sauvages. Nous ferions mieux de nous regrouper au mieux afin de nous préparer à toute éventualité. Je partirai devant avec DrouVirus et Djahil, derrière moi, Beothien et Loulou. Globox fermera la marche, prête à envoyer ses animaux au combat. Si nous sommes attaqués, Beothien et Djahil nous protègerons immédiatement avec leurs boucliers, les fées soigneront les blessés tout au long du combat. Si les ennemis sont nombreux, Beothien et Djahil ont leurs bâtons. En cas de besoin, Globox pourra intervenir en même temps que ses animaux. Est-ce que ce système convient à tout le monde ?
Tous acquiescèrent et se tinrent à la place qui leur avait été désignée.
- Bien. Avançons prudemment même si cela nous demandera plus de temps pour atteindre notre but.Le groupe pénétra dans la forêt et suivirent un petit sentier. Chacun était sur ses gardes, ils ne parlaient guère. Une majeure partie de la matinée se passa sans incidents et les six compagnons s'arrêtèrent pour déjeuner dans une ambiance plus détendue. Keazou proposa une halte aux alentours de midi, dans une clairière bordée d'arbres. Ils s'assirent sur des souches ou sur de grosses pierres et commencèrent à manger en silence. Keazou ne connaissait aucun de ses compagnons mis à part Loulou. Il porta son regard sur elle, assise au pied d'un arbre, elle le regardait. Il alla s'asseoir à côté d'elle.
- Comment tu te sens ?
Elle continua de le regarder sans un mot. Il réalisa qu'elle ne lui avait pas parlé depuis l'annonce de la mort de Misugi. Elle semblait constamment plongée dans ses pensées.
- Ca va Combien de temps reste-t-il avant d'arriver à Sufokia ?
- Nous y arriverons un peu avant la tombée de la nuit si tout se passe bien.
- Quand arriverons-nous à destination ?
- Dans quatre à cinq jours, toujours si tout se passe bien.
- Où est Amara ?
- A bord d'un bateau de démons, à l'est d'Amakna.
Elle sembla pensive une fois de plus.
- Mange Loulou.
- Non merci, je n'ai pas faim.
Il s'agenouilla devant elle et lui prit les mains.
- S'il te plait, mange un petit peu.
Il lui déposa un baiser sur la joue et s'éloigna.Globox était appuyée contre un gros orme, DrouVirus assis sur une de ses branches basses. Keazou se dirigea vers eux. Le Craqueleur, immobile, ressemblait à s'y méprendre à un gros tas de pierre. Le jeune homme eut un mouvement de recul en le voyant bouger. Le bouftou de Globox semblait épuisé, il était couché plus loin, sur le chemin. Le sanglier de Misugi allaitait ses deux petits, celui de Globox reniflait les buissons, tout autour, Djahil et Beothien s'étaient rapprochés et tous étaient assemblés. Loulou restait toujours en retrait, elle regardait le bouftou endormi. Keazou demanda :
- Tout le monde va bien ?
Ses camarades hochèrent la tête.
- Nous allons nous reposer un moment avant de repartir, nous sommes presque à mi-chemin du port.
- Où va-t-on au juste ? Demanda DrouVirus en descendant de la branche sur laquelle il était perché.
- Au berceau des Chevaliers de la Terre.
- Il est loin d'ici ?
Maintenant, tous étaient à l'écoute de Keazou. Même Loulou s'était rapprochée et écoutait.
- Quand nous arriverons à Sufokia, nous ferons une halte jusqu'à demain matin. Ensuite nous traverserons la côte d'Asse, nous passerons la nuit en bord de Mer. Nous traverserons ensuite les champs et ferons une halte d'une demi-journée au village des Tofus Perdus afin de nous ressourcer pour la plus grosse partie de notre expédition : Nous partirons dès l'aube pour traverser le haut de la Presqu'île des Dragufs. Selon l'heure où nous arriverons au camp Bwork, nous le traverserons ou camperons avant d'y pénétrer. Il nous faudra donc entre trois et quatre jours pour atteindre les Chevaliers. Toujours si notre traversée se passe bien. Cette durée peut varier si nous avons à nous battre, auquel cas nous devrons nous arrêter plus longtemps et plus souvent. Si nous sommes attaqués par les dragufs nous devrons probablement marcher de nuit, je ne tiens pas à être surpris par un dragoeuf dans mon sommeil si nous campons sur leur territoire.
- Mais n'y a-t-il pas une route plus sûre et plus directe pour aller au camp Bwork ? Si nous allions directement du port jusqu'au camp ?
- Oui c'est vrai, mais tu oublies le labyrinthe Les démons ne doivent surtout pas savoir ce qui se prépare, or beaucoup d'entre eux rodent autour du labyrinthe, nous devrons faire un grand détour pour le contourner sans passer devant l'entrée. De même pour les cimetières. C'est pour plus de sûreté que nous faisons ce détour.
Il leur fit signe de se lever et demanda :
- Vous êtes prêts à repartir ?
Ils acquiescèrent et reprirent la marche. Globox prit la parole.
- Ce sera plus prudent mais plus long. N'est-il pas urgent de secourir Amara ?
- Nous avons la certitude qu'Amara est en sécurité. Il est bien sûr important de la secourir au plus vite, mais il ne faut prendre aucun risque si nous voulons réussir à reprendre Amara aux démons.
- Comment va-t-on la retrouver ? Questionna Beothien alors qu'ils continuaient à avancer dans la forêt.
- Je ne sais pas, les prêtres de l'Oiseau des Flammes essayent sûrement de localiser le bateau.
- Des espions de l'ordre du serpent des airs ont été envoyés sur la trajectoire du bateau, il y en a à terre le long des côtes, d'autres sur des bateaux marchands, d'autres encore sur les îles aux alentours d'Amakna.Keazou se retourna, c'était Loulou qui avait parlé.
- Voilà, donc en arrivant au berceau, nous devrions être informés de l'endroit précis où se trouve le bateau. Une équipe sera envoyée avec des instructions précises pour sauver Amara.
- Tu connais Amara ?
- Je l'ai déjà vue, c'est elle qui m'a trouvée avec Loulou, mais je ne la connais pas personnellement. Et vous ?
- C'était la petite amie de Misugi j'ai déjà discuté avec elle, elle a l'air sympa. Ca fait pas longtemps qu'elle est arrivée au berceau, répondit DrouVirus.
- J'ai remarqué qu'elle avait des animaux, elle pourrait essayer de les dresser. J'aimerai bien discuter avec elle, ajouta Globox.
- Moi, je l'ai déjà vue, elle est jeune mais elle est très jolie, dit Beothien, plaisantant à moitié.
- Très jolie c'est vrai, commenta Djahil. Elle avait une mignonne petite robe bleue quand elle est sortie l'autre jour.
Cette remarque provoqua quelques sourires.
- Et toi Loulou ? Lui demanda Djahil.
- Misugi était mon meilleur ami. Amara est une bonne copine, elle est dans la même chambre que moi au berceau. Nous restions souvent ensemble depuis qu'elle est arrivée.Ils continuèrent ainsi à discuter tout en marchant d'un bon pas sur le sentier.
- Attendez, la forêt devint plus dense ici, on va devoir se serrer. Essayez quand même de plus où moins conserver votre position. Nous sommes facilement repérables. Soyez vigilants, nous ferons une pause en sortant de la forêt.
Le sentier se finissant, le groupe s'engouffra au cur de la forêt. Keazou sortit son épée, coupant les branches encombrantes. DrouVirus parti devant lui, dégageait les ronces gênantes avec son petit couteau de chasse, se faufilant sous les grosses branches avant que Keazou ne les coupe, rendant ainsi leur progression plus aisée.DrouVirus s'arrêta d'un coup.
- Attention.
Keazou repassa devant, ils étaient arrivés dans une grande clairière. Devant eux s'avançaient cinq Abraknydes, grands et menaçants. Ils balançaient les énormes branches qui leur servaient de bras au dessus de leur corps, un gigantesque tronc creux, parsemé de petites branches feuillues. De grosses araignées rampaient aux côtés des arbres, apparaissant sous une racine où une autre. Ces araignées maléfiques, énormes, bâtissaient leurs nids au creux du tronc des Abraknydes, tissant leurs toiles entre leurs branches, et à l'intérieur des arbres.
Le groupe s'avança dans la clairière. Les Abraknydes se dirigèrent vers les jeunes gens, balançant leurs branches de manière ridicule. Un Abraknyde, malgré sa force, n'était pas particulièrement malin.Immédiatement, Beothien et Djahil créèrent de puissants boucliers. Vinrent ensuite les sortilèges des fées qui donnaient force et courage aux combattants.
Keazou courut vers un Abraknyde, fit tournoyer son épée et l'abattit sur la créature qui devint folle, tentant d'agripper le jeune homme de ses branches grossières. Keazou frappa encore, l'Abraknyde ne fut bientôt réduit qu'à un petit tas de bois.
Les fées soignaient les combattants tour à tour par des sorts simples mais efficaces.
Beothien créa un bouclier enflammé qu'il dirigea vers le sol, devant les deux arbres qui allaient abattre leurs branches sur le crâne de Loulou et le poussa sur le bouclier de Beothien d'un coup de bâton. L'arbre s'enflamma immédiatement et il n'en resta rapidement plus qu'un tas de cendres chaudes.
Globox qui était restée derrière, envoya son Craqueleur se battre contre un Abraknyde particulièrement gros. Le Craqueleur, de ses énormes bras de pierre, broyait littéralement le bois mince qui composait le corps de la créature. Les deux sangliers tournaient autour des deux Abraknydes suivants, les repoussant sur le bouclier, de leurs puissantes défenses.
Beothien et Djahil maintenaient le feu sur le bouclier. Bientôt, apparurent deux autres tas de cendres fumantes.Des sourires naquirent sur les lèvres des combattants essoufflés. Le combat avait été rapide et relativement facile, une parfaite coordination avait été présente tout au long du combat et au final, l'attaque les avait diverti.
Ils reprirent leur marche en direction de la mer. Ils s'arrêtèrent en milieu d'après-midi au bord d'un grand étang. L'eau avait une couleur douteuse et personne ne voulut trop s'approcher du bord. On distinguait sous la surface des silhouettes de gros poissons, filant sous les nénuphars et autres plantes aquatiques de couleur verdâtre. L'endroit n'avait rien d'accueillant mais les arbres bordant le sentier leur procurait une ombre agréable, il faisait encore chaud et tous furent heureux de se reposer un moment.