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CHAPITRE 11 : L'enlèvement

Ce soir là, Misugi proposa à Amara d'aller s'entraîner sur la plage. Amara accepta l'idée et ils se rendirent jusqu'au bord de l'eau. Misugi posa un genou à terre et observa le sable. Avant de se relever, il trempa sa main dans l'eau et éclaboussa un petit tas de sable qu'il avait vu remuer, Amara recula en voyant un gros crabe en sortir. Le crustacé avait une énorme pince, démesurée par rapport à la taille de l'animal. La jeune fille songea qu'il aurai facilement pu tuer un jeune bouftou en quelques coups de pince.
Amara, occupée à détailler l'étrange animal, réagit enfin et appela le feu à elle ; elle fut surprise en sentant la résistance du crabe. Son épaisse carapace le protégeait du feu. La jeune apprentie fixa son attention sur les petites mandibules qui entouraient sa " bouche ". Là, la chair tendre n'était pas recouverte de carapace. Au bout de quelques minutes, le monstre " implosa " et bientôt, il ne resta qu'un petit tas de cendres qui se mêlaient au sable, sous la carapace intacte, ainsi que la massive pince. Elle ramassa la carapace et la pince et les fourra dans son sac à dos.
Ils s'amusèrent pendant un long moment, s'éclaboussant entre eux, exterminant les crabes et courant sur la plage.

Puis le jour commença à baisser, ils se promenèrent en silence sur la plage, main dans la main.
- Je n'aime pas cette histoire, à propos de Keazou…
Amara s'attendait à ce qu'il parle de ça, elle resta silencieuse.
- Je repensais à cette prophétie…
- Tu crois qu'elle a quelque chose à voir avec cette histoire ?
- Je n'en sais rien, mais les dragœufs…
- Que sont les dragœufs ?
- Des animaux, on raconte que ce sont des bébés dragons qui ont été ensorcelés pour garder à jamais leur état de bébé. Si l'on prend soin de les éviter, ils nous laissent tranquille. Et les bworks… ces créatures sont tellement bêtes qu'il ne songeraient jamais à attaquer qui que ce soit. Ils préfèrent s'amuser et errer dans leur village à la recherche de quelque d'objets sur lesquels abattre leur massue !
- Mais alors, comment expliquer les blessures de ce garçon, Keazou ?
- C'est là que je repense à la prophétie, si le maître du mal est aussi puissant que toi…
- Que faudrait-il faire pour l'arrêter ? Demanda Amara dans un élan de courage.
- Je n'en ai aucune idée malheureusement. Allons nous coucher, nous essayerons d'en apprendre d'avantage demain.
- Ecoute, chuchota Amara.
Misugi tendit l'oreille mais ne perçut aucun son.
- Je n'entends rien, qu'est-ce que…
- Justement, regarde les vagues, aucun bruit… et le vent dans les arbres là bas ? Tu ne trouves pas ça bizarre ?

- Oh ! Non !! Viens !
Il lui agrippa fermement le bras et l'entraîna jusqu'au cimetière. Il l'attira jusqu'à l'intérieur d'un caveau de pierre où ils se cachèrent derrière une grande pierre tombale. Dans le noir total, Amara jetait tout autour d'elle des regards effrayés, luttant pour ne pas céder à la panique. Ils s'assirent par terre, Amara se recroquevilla sur le sol de pierre froide. Misugi la maintint contre lui et murmura :
- Ne fait aucun bruit, surtout ne bouge pas. Je t'expliquerai.
Ils attendirent sans bouger, les minutes qui s'écoulèrent leur semblèrent être les plus longues de leur vie. Rien ne se passa. Misugi chuchota :
- Des démons… leur magie est si maléfique qu'elle crée une atmosphère lourde, étouffant chaque bruit. Parfois même, quand ils sont nombreux, un orage éclate, des nuages s'entassent, menaçants dans le ciel, le brouillard se lève…
- Mais que…
- Chut !!!

Soudain, des voix au dehors. Amara ne put réprimer un violent frisson d'horreur, un léger gémissement s'échappa de ses lèvres.
Tout aussi soudainement, ils entendirent un grincement puis un claquement métallique. Les deux jeunes gens ne voyaient rien de leur cachette, mais ils songèrent à la porte du caveau : une grille de fer forgé…
- Il est là ! Cria une voix au dehors.
- Amara, ne bouge surtout pas, murmura Misugi.
- Non ! Reste ! C'est moi qu'ils cherchent… gémis la jeune fille, paniquée.
- Je t'aime Amara.
Il se leva lentement et fis face aux démons, quatre d'entre eux avaient pénétré dans le caveau.
- Je suis là, je vous attends ? Déclara-t-il d'une voix forte, qui ne tremblait pas.

Malgré les circonstances, Amara ne put s'empêcher de ressentir une bouffée d'amour profond mêlé d'admiration pour le jeune homme.
Elle murmura d'une voix à peine audible pour elle-même.
- Je t'aime…

Une silhouette s'avança vers Misugi qui ne bougea pas. Il se concentra et l'homme poussa un glapissement de douleur.
- C'est tout ce que tu peux faire ? Ricana-t-il sinistrement.
Mais cette fois-ci, ce n'est pas un démon, mais quatre qui s'avancèrent vers lui. Misugi recula d'un pas et trébucha dans l'ombre.

Amara reprit ses esprits en entendant un bruit mat sur la paroi du caveau.
Oubliant les démons, elle se traîna jusqu'à l'endroit d'où provenait le bruit. Elle toucha enfin le bras de son ami et s'approcha de lui. Elle gémit en touchant la tête de Misugi, elle en retira une main couverte de sang. Sang qui maculait le sol tout autour du jeune homme…

Les quatre hommes la regardaient, visiblement surpris.
Amara, aveuglée par la haine, fixa le seul démon qu'elle distinguait à la lumière de la lune filtrant entre les barreaux de la grille métallique. Elle le brûla cruellement avant de se jeter sur lui et de le rouer de coups, toujours concentrée sur les brûlures qu'elle lui infligeait. L'homme hurla de toutes ses forces et tomba à terre, il eut quelques sursauts et cessa de bouger. Amara s'effondra sur lui, sans forces.

Deux d'entre eux la ceinturèrent et l'attachèrent avec de solides cordes.
- Occupez-vous du garçon.
Après une minute de silence, le démon se releva et annonça :
- Il est mort.
Amara s'évanouit ces mots, hurlant de toutes ses forces malgré son état.
L'homme s'approcha de son compagnon à terre.
- Laisse-le, elle a du réveiller tout le village à crier comme ça, on file !


ooo


Loulou se réveilla tôt, durant cette horrible nuit. Le jour n'était pas encore levé. Elle ne savait rien de ce qui s'était passé cette nuit là. Somnolant à demi dans la pénombre de sa chambre, la jeune fille sursauta quand on frappa violemment à la porte. Elle se leva en grommelant, encore toute endormie.
Elle alla ouvrir la porte.

Elle ouvrit la bouche en apercevant Maître Tsongor lui-même devant sa porte, mais il a devança :
- As-tu vu Amara ?
Loulou tourna la tête vers le lit de sa compagne et s'aperçut seulement de son absence. Elle hocha négativement la tête avec un air d'incompréhension totale. Elle allait poser une question, mais cette fois encore le Maître pris la parole :
- Merci Loulou, nous te tiendrons au courant.
Loulou haussa les épaules, se demandant ce qui se passait. Elle chassa bien vite ces pensées de son esprit et se remit au lit. Pensive, elle se rappela un rêve qu'elle avait fait dans la nuit. Une femme criait. Un étrange pressentiment lui serra le ventre et elle se demanda quelle était la part de réalité dans ce rêve. Continuant à y réfléchir, elle se rendormit.

A nouveau, bien plus tard ce matin là, Loulou fut tirée du lit par des coups frappés à la porte. On frappait doucement, comme de peur de réveiller l'occupante de la petite chambre. Loulou se leva et alla ouvrir. Cette fois-ci, la grande Prêtresse était là, le visage fatigué, comme si elle avait passé une longue nuit blanche, elle semblait avoir vieilli d'une dizaine d'années en une seule nuit.
Loulou lui proposa d'entrer.
- Non Loulou, habille-toi vite, le Grand Maître veut te voir, ce qui se passe en ce moment est très grave.
-
Loulou s'habilla le plus vite possible, sans même prendre le temps de fermer la porte. Elle accompagna la prêtresse jusqu'au temple. En passant devant une salle, elle reconnut Amagi, accompagné de deux adultes qui devaient être ses parents. La femme pleurait, le petit garçon, assis sur une chaise, regardait fixement dans le vide.
L'homme quand à lui était livide et se tenait au mur, comme pris de vertiges.
Loulou sentit son cœur s'emballer, elle devint très pâle et se retint au bras de la prêtresse pour ne pas tomber.

En arrivant au temple, elle reconnut dans la pièce quelques personnes parmi les amis de Misugi et Amara. Ils arboraient un air interrogatif. Bien sûr, aucun d'eux ne pouvaient imaginer, se dit la prêtresse. Même Keazou était là. Avec les évènements de ce matin, personne n'y avait plus pensé, pourtant, il était là, parmi eux. L'inquiétude se lisait sur son visage.
Loulou s'approcha de lui pour lui demander ce qui se passait, il allait répondre quand la porte s'ouvrit. Le grand prêtre s'avança, le silence se fit. Celui-ci avait lui aussi l'air épuisé et découragé, il tentait de rester digne mais ses mouvements étaient désordonnés, il marchait à la façon d'un automate et semblait complètement ailleurs.
Loulou sentit les larmes lui monter aux yeux, elle se serra contre Keazou qui la prit doucement dans ses bras.

Maître Tsongor leur faisait face, promenant dans la pièce, un regard triste.
Le prêtre se mit à parler, sa voix était étrangement rauque et tremblante.
Il leur résuma la situation, les cris d'Amara qui avaient donné l'alerte, les hommes envoyés dans la direction des cris. Le corps du jeune homme découvert dans le cimetière…
- …quand nous sommes arrivés, il était trop tard… Misugi n'a pas souffert…
A cette annonce, cris et sanglots envahirent la salle. D'autres personnes n'ayant pas réalisé ce qui s'était dit, attendaient, les yeux fixés sur le prêtre.
- Des démons ont attaqué, Misugi a voulu les repousser pour sauver son amie, les démons l'ont violement poussé. Sa tête frappant le mur de pierre, il est mort sur le coup…

Les pleurs continuèrent, prenant plus d'ampleur encore sur ces dernières paroles.
Loulou, tombée à genoux par terre, pleurait doucement contre l'épaule de Keazou qui la soutenait. Le visage de celui-ci reflétait la douleur, la haine. Il fixait les dalles de pierre qui s'étendaient sur le sol, devant lui.
- Nous avons trouvé le corps d'un des démons, il est mort ce matin suite à ses blessures. En revanche, la jeune Amara a disparu. Nous avons toutes les raisons de croire qu'elle est en vie et nous feront tout ce qui est en notre pouvoir pour la retrouver.
Le prêtre se retira, laissant là les adolescents dépités, chagrinés. Loulou pleurait, comme beaucoup d'autres dans la pièce. Keazou la berçait doucement. Il l'aida à se lever et la ramena dans sa chambre. Elle s'agrippa à lui quand il voulut la lâcher ; elle le serra de toutes ses forces en secouant la tête de gauche à droite, des larmes ruisselant sur son visage. Keazou continua a la bercer tout en lui parlant doucement pour la calmer. Quand elle cessa de pleurer, Keazou se leva. IL la prit dans ses bras et la fit se lever à son tour. Loulou n'opposa aucune résistance et se laissa guider. Le bras autour des épaules de son amie, Keazou l'emmena dans la grande salle où tous les élèves étaient réunis. Ils s'assirent sur un des bancs et attendirent. Le grand prêtre recommença son histoire, énonçant une seconde fois la mort du jeune homme. Loulou ne réagit pas, elle restait assise sur le banc, sans bouger. Comme elle, beaucoup ne semblaient pas avoir totalement réalisé ce qu'ils venaient d'apprendre.

Le prêtre continua son discours en expliquant la raison pour laquelle Amara semblait avoir été enlevée. Il leur raconta la prophétie et tout ce qui se déroulait depuis quelques tempes, entre autres, les animaux qui devenaient agressifs et la présence des démons rodant aux alentours des villages.
- … Misugi en laissant sa vie, a tenté de protéger l'enfant de la prophétie, et de ce fait, de prévenir le désastre qui se prépare dans ce monde. Son nom restera gravé dans les mémoires, ainsi que dans nos cœurs.
Tout le monde attendit la suite mais le grand Prêtre se tut. Peu à peu la salle commença à s'agiter. Keazou et Loulou se levèrent, au milieu des raclements de chaises et de bancs.


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