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CHAPITRE 1 : L'enfant trouvée

Il y a une vingtaine d'années, dans le port d'Amakna, accosta un navire de pirates sanguinaires. Les marchands du port reconnurent le bateau à sa voile noire.
Les pirates écumaient les mers depuis de nombreuses années, pillant les ports et tuant les marins. Il était même raconté qu'ils possédaient les connaissances d'autres mondes, d'îles lointaines et inconnues.
Un messager fut envoyé au roi d'Amakna afin d'annoncer la décision des pirates de s'installer dans un petit village du bord de mer.
Il annonça mystérieusement que si le village n'était pas désert d'ici la fin de la soirée, quelqu'un serait sacrifié…
Le roi, ne comprenant pas les paroles du messager, convoqua les habitants de ce petit village maritime, afin de discuter avec eux de la situation.
Après une longue discussion, une décision fut prise : les marins firent leurs bagages et allèrent s'installer dans les diverses auberges du village.

Peu après, un homme apparut à l'entrée du village. Des chuchotements effrayés se faisaient entendre sur son passage. En effet, on reconnaissait les démons a la tunique noire et a la marque significative de leur cape… Or, de grandes ailes rouges étaient brodées au dos de la cape de l'inconnu...
Peu à peu, les rues du village se vidèrent, les volets et les portes se refermèrent sur les habitants effrayés.
L'homme portait dans ses bras un étrange tas de tissus, la couleur orangée de l'étoffe contrastait avec les vêtements sombres du démon.
Ce dernier continua sa marche, progressant lentement dans le village. Sa démarche, à la fois lourde et majestueuse, imposait le respect et la terreur… sentiment étrangement mêlé d'une sorte d'admiration…
Un silence total s'était installé dans le village. Les Pious ne chantaient plus, même le clapotis de l'eau de la fontaine semblait muet…
L'homme avança lentement jusqu'à la fontaine. Certains affirment avoir entendu, sous la capuche recouvrant d'ombre le visage de ce sombre personnage, une voix froide et dénuée de sentiments qui murmurait des mots, dans une langue étrangère. Comme une effroyable prière, ou plutôt une incantation… D'autres affirment avoir vu une lumière rouge, symbole de la magie tirée des Portes de l'Enfer, magie capable de faire surgir de nulle part les pires flammes de cet Enfer, entrer dans le paquet que le démon tenait dans ses bras.
Après avoir déposé délicatement le mystérieux objet, l'homme quitta la place, continuant à marcher dignement, regardant droit devant lui.

De longues minutes passèrent, le silence, épais, lourd, comme empli d'une menace, ne se dissipait pas. Personne n'osait bouger.
Quelques instants plus tard, des pas se firent entendre. Le claquement de sabots de bois sur les pavés de la place se rapprochait. Puis, à la surprise des habitants, une voix enfantine s'éleva, claire et joyeuse, raisonnant gaiement dans le silence impénétrable du village.
Les habitants écoutaient, retenant leur souffle. A leur plus grande surprise, regardant entre les lames de leurs volets, ils aperçurent une fillette qui marchait, sautillant joyeusement dans la rue, son petit panier se balançant au bout de son bras. Elle chantait, ses cheveux volaient autour de son visage innocent, entraînés par la bise printanière, sa robe légère tournoyant au rythme de sa joyeuse marche.

Les habitants la connaissaient comme étant la fille unique d'un couple vivant dans une ferme, retirée dans la forêt, un peu à l'écart du " centre ville ". La fillette avait six ou sept ans et venait régulièrement jouer dans le village. Elle avait acquit le surnom d'Oeil-de-loutre après qu'un groupe de loutres sauvages s'en soient pris à elle et l'aient blessée. L'enfant avait une discrète cicatrice près de l'œil droit.
Elle était aimable et polie, très bien élevée. Ceux qui la connaissaient pouvaient dire que c'était une petite fille curieuse, résolue et têtue. Elle n'était pas capricieuse, loin de là, mais quand elle avait une idée en tête, rien ni personne ne pouvait plus la détourner de son but. Elle était très intelligente et son esprit était vif pour son âge. Tous ces détails faisaient d'elle une enfant adorable, aimée de tous.

La fillette s'installa près de la fontaine, à genoux par terre et sortit ses jouets : une poupée et de minuscules récipients en porcelaine. Alors qu'elle se levait pour remplir une petite tasse avec l'eau de la fontaine, son attention fut attirée par le long paquet d'étoffe orangée.
Dans les maisons, les habitants retenaient leur respiration, ils étaient plongés dans une sorte d'excitation euphorique. Admirant l'insouciance d'Œil-de-loutre, ils étaient comme envoûtés par la scène qui se déroulait sous leurs yeux.
Elle s'approcha lentement et s'agenouilla près du paquet. Celui-ci, sur toute sa longueur, mesurait un peu plus d'un mètre, ce que l'on avait du mal à distinguer dans les bras de l'homme Sombre. La fillette défit avec soin le paquet, déroulant soigneusement le morceau de tissus.

Ce que l'on découvrit produisit un tel effet de surprise que l'on accouru de toute part, déverrouillant les portes et les volets.
Bientôt une masse compacte de curieux s'était assemblée autour de la fontaine. On poussait des soupirs de soulagement et d'émerveillement.En effet, enroulée dans la grande cape orangée, une petite fille était allongée. Toute mince, elle était vêtue d'un simple pagne fait d'une fourrure de couleur blond clair. Sa peau était claire et ses cheveux blancs brillaient d'un éclat argenté. Un minuscule Tofu dormait, blotti contre son cou. L'oiseau et l'enfant dormaient tous les deux d'un sommeil profond et paisible. Le soleil éclairait la scène, lui donnant un aspect presque magique, merveilleux.
L'enfant pouvait avoir deux ou trois ans.Les parents d'Œil-de-loutre, voyant que cette dernière ne rentrait pas, se rendirent au village… Une fois sur la place, ils se faufilèrent dans la foule et poussèrent un petit cri de surprise en découvrant la scène. Leur petite fille allongée sur la cape, près de " l'enfant trouvée ".
Dispersant l'attroupement de badauds, le couple se pencha sur l'enfant. Quelque chose était accroché autour de son cou ; en s'approchant, on distinguait trois petites clés de formes bizarres. Sur chacune des trois clés, la même inscription revenait : Amara.
La femme, en saisissant les petites clés, réveilla le Tofu endormi. Celui-ci, en piaillant avec entrain, mordilla légèrement l'oreille de la petite fille. Elle se réveilla. Elle s'assit sur la cape et prit l'oisillon dans ses mains. Elle regarda les gens penchés au dessus d'elle avec des yeux ronds. Elle se frotta les yeux et posa le Tofu à coté d'elle. Lorsqu'on lui demanda si Amara était son prénom, la fillette hocha la tête affirmativement.
Une femme voulut s'approcher d'Amara mais celle-ci s'accrocha au cou de la fillette qui était assise à côté d'elle. Une personne demanda qui allait s'occuper de l'enfant trouvée. Le couple déclara qu'ils allaient l'habiller et lui donner à manger, ils la conduiraient ensuite au roi.
C'est ainsi que la petite Amara rejoignit la ferme.

Alors qu'ils se rendaient au château afin de présenter Amara au roi, la famille rencontra une femme. Vêtue d'une longue cape bleue, elle paraissait avoir une soixantaine d'années. La femme s'approcha d'Amara et la dévisagea. Elle regarda tour à tour Amara et sa famille adoptive. Puis tout en regardant les parents, elle posa la main sur la tête d'Amara et leur annonça : " L'enfant aura un grand avenir… " Puis elle se retourna et partit en marmonnant des paroles incompréhensibles.
L'entrevue avec le roi fut brève, ayant d'autres soucis en tête il leur conseilla l'orphelinat du village dans le cas où ils ne voudraient pas garder la fillette.

Amara entra donc dans la ferme en tant que membre de la famille.
Le lien qui s'était créé entre les deux fillettes à leur rencontre se renforça, elles s'aimaient comme deux sœurs et ne se quittaient plus. Amara et Œil-de-loutre grandirent, heureuses.
La famille n'était pas très riche mais vivait avec une immense joie de vivre. La ferme résonnait de rires et de bonheur. Les deux fillettes jouaient, aidaient parfois leur père dans les champs ou leur mère dans la cuisine, à faire des gâteaux, ou du pain.

 

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